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Soupçonné d'avoir tué Sophie Le Tan, une étudiante venue visiter son appartement à louer: qui est Jean-Marc Reiser?

Déjà jugé devant quatre cours d'assises, condamné pour deux viols et acquitté pour un meurtre, Jean-Marc Reiser, qui comparaît à partir de lundi devant les jurés du Bas-Rhin pour l'assassinat de Sophie Le Tan, est un familier des tribunaux qu'il fréquente depuis plus de vingt ans.

"C'est quelqu'un qui a un profil très particulier", reconnaît Me Emmanuel Spano, l'un des nombreux avocats à avoir défendu cet Alsacien de 61 ans au parcours judiciaire chargé.

L'avocat strasbourgeois, qui a assisté Jean-Marc Reiser dans plusieurs dossiers, ne sera pas à ses côtés durant le procès d'assises. Il l'a défendu en revanche dans l'affaire de subornation de témoin durant l'instruction du dossier Le Tan pour laquelle le tribunal correctionnel de Strasbourg lui a infligé une peine de six mois de prison, décision dont il a fait appel.

"On ne croise pas souvent dans la rue quelqu'un qui a déjà été condamné par une cour d'assises, acquitté par une autre et fait l'objet de plusieurs procédures", explique à l'AFP Me Spano. Celui-ci brosse le portrait d'un client parfois "bourru" mais cultivé, capable de "raisonnements intellectuels", qui "s'intéresse à ses droits". Il est en prison depuis quelques années maintenant, et ce n'est pas la première fois".

A huit reprises en effet, Jean-Marc Reiser a comparu devant un tribunal correctionnel ou une cour d'assises.

Anesthésique

La toute première mention sur son casier judiciaire remonte au 13 juillet 2000. Il a alors 39 ans lorsqu'il est condamné en correctionnelle à Besançon à huit mois de prison pour avoir tenté la veille de s'enfuir du palais de justice pendant l'examen d'une demande de mise en liberté.

Car Jean-Marc Reiser est alors détenu depuis trois ans: lors d'un contrôle routier en juin 1997 dans le Doubs, près de la frontière avec la Suisse, des douaniers découvrent dans sa voiture armes, pieds de biche, cagoule, cordelettes et flacon d'anesthésique.

Ainsi que d'étranges photographies de femmes nues, visiblement endormies et mises en scènes avec des pénétrations sexuelles. Parmi elles, une amie de la compagne de M. Reiser, un temps sa maîtresse, qui n'a aucun souvenir d'avoir posé pour ces clichés. L'enquête fera le lien avec le viol d'une jeune Allemande en Gironde, en août 1995.

Plusieurs condamnations

Condamné en mars 2001 en correctionnelle à cinq mois de prison pour la détention des armes dans sa voiture et à sept mois pour violences sur personne chargée d'une mission de service public, Jean-Marc Reiser comparaît dans la foulée pour la première fois devant une cour d'assises, celle du Doubs, pour les viols de la jeune Allemande et de son ex-maîtresse.

Il sera condamné à 15 ans de réclusion, puis à 12 ans en appel en janvier 2002 par celle du Bas-Rhin. Mais Jean-Marc Reiser, très procédurier, réussit à faire casser ce deuxième verdict. Un nouveau procès d'appel est organisé, devant la cour d'assises de Côte d'Or, qui le condamne à 15 ans de réclusion.

Me Jean-Pierre Degenève l'avait défendu lors du premier procès d'assises. "Une personnalité que je n'ai pas oubliée", confie à l'AFP le pénaliste bisontin. "Il était dans la toute-puissance", "d'un très grand autoritarisme" mais capable en même temps d'une "grande courtoisie", poursuit Me Degenève, qui évoque un Reiser "prégnant". "Un drôle de personnage".

A Dijon, c'est Me Marc Vialle qui l'avait assisté. L'avocat strasbourgeois se souvient d'un procès tenu "dans un huis clos assez pesant".

Les signaux étaient au vert

Toujours en 2001, quelques semaines après sa condamnation pour viols à Besançon, Jean-Marc Reiser avait été acquitté, faute de preuves, par les assises du Bas-Rhin pour le meurtre de Françoise Hohmann, représentante de commerce de 23 ans volatilisée en 1987 à Strasbourg. La dernière personne chez qui elle a frappé était Jean-Marc Reiser.

Ce dossier, rouvert début 2020 contre X, est toujours à l'instruction. Entre 2001 et 2003, M. Reiser a donc comparu devant quatre cours d'assises différentes. Il passe une partie de ses années de prison à la centrale d'Ensisheim (Haut-Rhin), où il joue aux cartes notamment avec les tueurs en série Guy Georges et Francis Heaulme.

Libéré le 5 mai 2010, il replonge rapidement : deux tentatives de vol dans des cliniques vétérinaires à Strasbourg et sa banlieue en 2012 et 2016 lui vaudront des condamnations à quatre ans de prison, dont deux ferme, et huit mois, dont quatre ferme. Et en 2017, la justice lui inflige à nouveau cinq mois de prison pour recel d'objets volés.

Le 15 septembre 2018, il est interpellé dans le cadre de la disparition de Sophie Le Tan. Me Spano, qui l'avait défendu dans ses dernières affaires, est "surpris" à l'époque par cette arrestation: "Il donnait des signes d'insertion", comme ce Master en archéologie qu'il venait de décrocher. "Les signaux étaient au vert, très sincèrement..."

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