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Témoignages glaçants des survivants des attentats de Paris: l'un d'eux s'adresse directement à Salah Abdeslam

"Il n'y a rien qui fait sens": au procès des attentats du 13-Novembre, des victimes ont raconté mercredi leur "rencontre avec la mort" lors du carnage commis au Carillon, l'un des bars visés par les commandos jihadistes. "On était une bande de copains. Le Carillon, c'était notre QG", déclare Maya à la barre de la cour d'assises spéciale de Paris, menue dans son large t-shirt vert foncé, visage enfantin.

Elle était attablée à la terrasse de ce bar du Xe arrondissement avec Amine, architecte comme elle, successivement "mon ami, mon amoureux, puis mon mari". Les soeurs jumelles Charlotte et Emilie "belles, drôles, complices", et Mehdi. "Nous étions cinq, j'avais 27 ans, eux 29. Ce soir-là, on a parlé de la fête qu'on allait faire pour leurs 30 ans", dit-elle, ses yeux rougis par les larmes. "Ni Amine, ni Emilie, ni Charlotte n'ont fêté leurs 30 ans".

Elle raconte doucement, sa voix tremble un peu. Sur les bancs des parties civiles, un homme pleure. Il était serveur au Carillon. Quand commence la fusillade, "je pense qu'ils se cachent sous les tables alors qu'en fait ils tombent sous les balles", poursuit Maya. "J'essaie de me recroqueviller le plus possible. Je sens les chocs sur mes jambes mais je ne sens pas la douleur. Pas encore". Ses jambes sont en lambeaux, elle devra subir plusieurs opérations. Mehdi sera gravement blessé.

"Ses yeux"

"Je sais que c'est la mort parce que juste derrière moi il y a un homme, j'entends son souffle saccadé, son râle, je sais que ce sont ses derniers instants". Sa voix tremble à nouveau. "C'est très intime, mais je ne sais pas qui c'est. Je ne le vois pas".

Ensuite, le silence. Puis les mots des secouristes, qui résonnent aujourd'hui encore dans sa tête. "Les conscients d'abord, occupez-vous des conscients d'abord". Elle cherche Amine. "Tout de suite je sais qu'il n'est plus là. C'est ses yeux. Je ne vois pas le sang, je ne vois pas les 22 impacts, les neuf projectiles qui ont touché ses poumons, son foie, son coeur. Tout ce que je vois ce sont ses yeux, son regard qui est vide, le néant. Je sais qu'il est mort".

Elle s'arrête un instant puis sa voix se brise. "Son deuil a été tellement fort que je n'ai jamais pu faire le deuil de mes amies".

"Sept balles"

"Rencontrer la mort, c'est une expérience qui isole beaucoup", témoigne aussi Florian, brun longiligne, bras croisés contre le torse, qui a également vécu le "carnage" au Carillon. "Il n'y a rien qui fait sens" dans ces attentats, lâche celui qui était alors étudiant de 24 ans, "content" d'avoir pu témoigner, sans "esprit de vengeance".

Blessé d'une balle dans le bras à la terrasse du Carillon, Olivier lui n'est pas face à la cour "de gaieté de coeur". "Je n'avais pas envie de venir", dit-il. Mais il le doit notamment à "Sébastien, qui est mort de sept balles dans le corps", annonce-t-il.

Depuis le début du procès, "on entend 'cent balles tirées, six balles tirées...' mais on sait pas ce que ça fait", s'énerve-t-il. Il tend son bras sur le côté, mime une arme, hurle dans le micro à le faire saturer: "Boum, boum, boum, boum, boum, boum, boum".

La salle d'audience est saisie. "Voilà ça fait ça, sept balles. Ca détruit quelqu'un. Il a fallu quatre jours pour reconstituer son corps".

Salah Abdeslam n'est rien d'autre qu'une petite racaille

S'en prenant aux combattants "de pacotille", "aux cerveaux grillés par le cannabis", Olivier ajoute un mot pour le principal des accusés présents dans le box, le seul membre encore en vie des commandos. "Salah Abdeslam, qui se fait passer pour un guerrier, n'est rien d'autre qu'une petite racaille. Moi, j'ai vu faire son frère, il a tiré sur des gamines de 20 ans, elles étaient sans défense".

A la fin de sa déposition, les avocats de Salah Abdeslam protestent. "Je sais qu'il y a de l'émotion, de la souffrance, mais j'ai énormément de mal à laisser passer les insultes, les invectives", s'agace Olivia Ronen. "Il n'y en a pas eu", rétorque l'avocat d'Olivier. Le deuxième avocat de Salah Abdeslam, Martin Vettes, se lève: "Minable petit démon, racaille, ce ne sont pas des insultes ?".

Le président intervient, menace de suspendre l'audience, rappelle que le principal accusé a largement eu la parole - "il a dit 'ces terroristes, ce sont mes frères'", rappelle Jean-Louis Périès. "Qu'il modère lui aussi ses propos envers les parties civiles".

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