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Trafic de cocaïne: lourdes réquisitions contre deux ex-policiers de la PAF

Ils étaient les "chevilles ouvrières" d'un trafic de cocaïne entre la République dominicaine et la France: le ministère public a requis lundi devant les assises de Paris quinze ans de réclusion criminelle à l'encontre de deux anciens fonctionnaires de la police aux frontières (PAF) de Roissy.

Pour ces deux ex-policiers, Clément Geisse et Christophe Peignelin, qui "ont nui à l'image" de leur profession, l'avocat général Jean-Christophe Crocq a demandé la même peine, assortie d'une amende de 250.000 euros.

Jugés depuis le 21 janvier devant la cour d'assises spéciale, uniquement composée de magistrats professionnels, les deux accusés sont restés prostrés, les sourcils froncés. Ils encourent trente ans de réclusion criminelle pour importation de stupéfiants en bande organisée et corruption passive.

"Acteurs pleinement investis" d'un trafic de cocaïne selon l'avocat général, l'ancien brigadier-chef Christophe Peignelin, 56 ans, et l'ex-gardien de la paix Clément Geisse, 42 ans, ont reconnu avoir permis entre 2010 et 2015 sept passages de "mules" (transporteurs de drogue, ndlr) venant de République dominicaine.

Les fonctionnaires réceptionnaient à leur arrivée de Punta Cana les bagages cabines des passeurs, bourrés de 20 kilos de drogue en moyenne, et exfiltraient leurs propriétaires en les soustrayant aux contrôles douaniers. Chaque "mule" récupérée leur permettait d'empocher 40.000 euros.

Craignant à un moment que ce "marché leur échappe", les policiers avaient menacé le commanditaire de déclencher des contrôles. "Sans eux, rien n'aurait pu se faire. Ils étaient les chevilles ouvrières de ce dispositif", a pointé le représentant du ministère public.

- "En marge" -

Pour "assurer une réception sécurisée" des passeurs, ils avaient émis l'idée de les faire arriver le dimanche, ils recevaient des téléphones dédiés et intervenaient aussi dans la sélection des "mules", a détaillé M. Crocq.

Sous surveillance de la police anti-stups qui avait dénommé son enquête "Excédent bagage", les deux ex-membres de la PAF avaient été arrêtés le 25 janvier 2015, alors qu'ils tentaient de faire sortir deux valises chargées de cocaïne de l'aéroport de Roissy.

"Ils n'ont pas renoncé à cette spirale", a souligné le magistrat, pour qui Clément Geisse et Christophe Peignelin "se sont mis en marge, pendant plusieurs années, de leurs valeurs, de la société".

Clément Geisse, qui était entré en contact le premier avec la tête de réseau, avait un temps indiqué avoir voulu infiltrer l'organisation pour la faire tomber. Devant les assises, il a raconté avoir été "pris dans l'engrenage" d'un trafic qui l'a "complètement dépassé".

Son ancien supérieur hiérarchique et lui-même auraient empoché au total jusqu'à 600.000 euros pour leur assistance auprès du "directeur de l'organisation" et son "maître de cérémonie", Kamel Berkaoui, 43 ans, assis à l'autre extrémité du box.

Contre lui, l'avocat général a sollicité une peine de 25 ans de réclusion criminelle, assortie d'une période de sûreté des deux tiers, ainsi que trois millions d'euros d'amende.

Incarcéré en septembre 2011, après avoir été interpellé avec près de 500.000 euros en liquide dans le centre de Paris, Kamel Berkaoui avait poursuivi son activité en prison, a relevé l'avocat général.

Le magistrat a demandé à l'encontre de neuf autres accusés, dont des "fidèles lieutenants" de Kamel Berkaoui selon l'accusation, des peines allant de cinq ans d'emprisonnement pouvant être assortis du sursis à douze ans de réclusion criminelle, ainsi que des amendes.

Toute une "galaxie" de participants au réseau, principalement des "mules", comparaîtront devant le tribunal correctionnel. Parmi les vingt-huit personnes renvoyées en correctionnelle, figure Arnaud Mimram, sulfureux financier condamné à 8 ans de prison dans l'escroquerie à la TVA sur le marché des "quotas carbone".

Le "carnet d'adresses éloquent" de Kamel Berkaoui, ancien joueur et entraîneur de football, donne "la vraie mesure (de son) potentiel d'action", a estimé l'avocat général.

Les plaidoiries de la défense doivent se succéder jusqu'à mercredi.

Le verdict est attendu jeudi.

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