Accueil Actu

Turquie : le parti prokurde déclare son ex-chef emprisonné candidat à la présidentielle

Le principal parti prokurde de Turquie a annoncé mercredi que son ex-leader emprisonné, Selahattin Demirtas, serait candidat à la présidence lors des élections anticipées de juin, au moment où l'opposition redouble d'efforts pour barrer la route au président Recep Tayyip Erdogan.

Le Parti démocratique des peuples (HDP) a indiqué dans un message que la candidature de M. Demirtas, détenu depuis novembre 2016, serait officialisée lors de deux rassemblements qui auront lieu simultanément vendredi à Istanbul et à Diyarbakir, principale ville du sud-est à majorité kurde de la Turquie.

Initialement prévus en novembre 2019, les scrutins présidentiel et législatif auront lieu le 24 juin en Turquie, soit dans moins de deux mois après la décision de M. Erdogan de convoquer des élections anticipées lors desquelles il briguera un nouveau mandat aux pouvoirs élargis sans précédent, aux termes d'un amendement constitutionnel approuvé par référendum en avril 2016.

"Nous pouvons d'ores et déjà apercevoir un avenir radieux. Nous caressons nos rêves et nos espoirs avec cette bonne nouvelle. Nous allons nous réunir pour partager notre joie d'annoncer la candidature de Selahattin Demirtas pour la présidence", a déclaré le HDP dans son message.

M. Demirtas, 45 ans, a été arrêté avec une dizaine d'autres députés du HDP lorsque les purges lancées après le putsch manqué de juillet 2016 s'étendaient aux milieux prokurdes.

Accusé notamment de diriger une "organisation terroriste" et de "propagande terroriste", il risque jusqu'à 142 ans de prison. Détenu dans une prison d'Edirne (ouest), Il avait comparu pour la première fois en février devant un tribunal près d'Ankara.

- "Un point de rupture" -

Les autorités turques accusent le HDP d'être la vitrine politique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation classée "terroriste" par la Turquie, l'Union européenne et les Etats-Unis.

Mais le parti, troisième formation au Parlement, rejette ces allégations, affirmant être visé en raison de sa ferme opposition au président Erdogan. Neuf députés du parti sont actuellement en détention et onze de ses 59 élus au Parlement ont été déchus de leur mandat.

Le HDP avait élu de nouveaux dirigeants en février. M. Demirtas, qui a dirigé le parti pendant huit ans, n'avait pas souhaité briguer sa propre succession depuis sa prison, mais il en demeure la figure de proue.

Leader charismatique et habile orateur, cet avocat de formation s'est révélé sur la scène nationale lors de l'élection présidentielle de 2014, où il a frôlé les 10% et s'est imposé comme le principal rival du président Erdogan.

Dans une tribune publiée mercredi dans le quotidien d'opposition Cumhuriyet, M. Demirtas, sans évoquer sa propre candidature, a estimé que les élections de juin marqueraient "un point de rupture qui aura un impact sur la scène politique turque pour des décennies à venir".

Selon lui, une victoire de M. Erdogan et son parti islamo-conservateur, l'AKP, marquera le passage de la Turquie à "une dictature totale", alors qu'un succès de l'opposition signifiera "la poursuite de la quête et du combat pour la démocratie".

L'annonce de la candidature de M. Demirtas par le HDP survient alors que l'intéressé lui-même avait affirmé dans une interview à l'AFP depuis sa prison en janvier qu'il avait abandonné toute ambition politique personnelle, après avoir renoncé à la présidence de sa formation.

- Alliance contre Erdogan -

Plusieurs autres parti d'opposition ont déjà annoncé qu'ils présenteraient chacun son propre candidat à la présidentielle mais quatre d'entre eux s'apprêtent à nouer une alliance pour le volet législatif du scrutin, selon les médias turcs.

Cette alliance regroupera la principale formation de l'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), le tout jeune Iyi parti (Bon Parti), le parti conservateur Saadet (Parti de la Félicité) et le parti Démocrate de centre-droit, selon la chaîne NTV.

Une source du CHP a confirmé à l'AFP que des discussions se poursuivaient entre les quatre partis et qu'un protocole d'alliance devrait être signé jeudi.

Réagissant à ces informations, le gouvernement a dénoncé cette alliance, la jugeant motivée par la seule hostilité au président Erdogan.

"Leurs chances de succès face au président Erdogan sont raisonnables, mais dire que cette alliance suffit pour le battre est sujet à débat", estime Fadi Hakura, analyste au "think tank" Chatham House.

À lire aussi

Sélectionné pour vous