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Un musée américain explore l'oeuvre de Louise Bourgeois, au-delà des araignées

Une salle noyée dans une lumière rougeâtre fait penser à l'intérieur du ventre maternel (ou est-ce une scène de crime?), des masses informes symbolisent des enfants parricides... Les traumatismes de l'enfance sont au coeur d'une exposition retraçant aux Etats-Unis 50 ans de l'art de la Franco-Américaine Louise Bourgeois.

C'est le musée privé de Glenstone, dans la ville de Potomac dans le Maryland, non loin de Washington, qui présente depuis jeudi les créations profondément autobiographiques et à fort pouvoir sexuel de la prolifique artiste, connue pour ses araignées géantes en métal installées à travers le monde.

Le même établissement deviendra le plus grand musée d'art privé des Etats-Unis une fois qu'il inaugurera, le 4 octobre, une impressionnante nouvelle aile.

"Nous voulions retracer les fils continus du développement (de Louise Bourgeois) au fur et à mesure des années, ce qui nous a permis de découvrir des oeuvres moins connues dont nous pensons qu'elles sont tout aussi importantes que ses oeuvres emblématiques", dit à l'AFP Emily Wei Rales, co-fondatrice du musée.

"Ce faisant nous avons pu montrer son approche singulièrement innovante de la création artistique --peu d'artistes ont travaillé avec un éventail aussi large de matières. On pourrait dire que nous avons été davantage attirés par la toile que par l'araignée", ajoute-t-elle avec humour.

- Enfance et rébellion -

Traumatisée dans son enfance par les infidélités de son père, y compris avec sa nourrice, Louise Bourgeois s'est en quelque sorte vengée avec "La Destruction du père" (1974), sa première installation de grande envergure.

L'oeuvre représente des enfants qui se sont rebellés contre leur père autoritaire, l'ont tué puis mangé. Son corps est réduit à des épaules d'agneau et des cuisses de poulet en plâtre.

"Puisque j’ai été démolie par mon père, pourquoi est-ce que je ne le démolirais pas?", avait-elle confié dans un entretien au magazine Psychologies en 2008.

La féroce féminité de l'artiste ressort dans une installation macabre et sans titre de 1996, où des sous-vêtements et négligés sont accrochés à d'énormes os en lieu et place de cintres.

Jerry Gorovoy, longtemps assistant de Louise Bourgeois qui dirige maintenant la Fondation Easton, dédiée à sa vie et son oeuvre, a dit que l'artiste gardait la plupart de ses vieux vêtements --y compris ceux de son enfance-- et les utilisait dans ses créations.

"Ode à la Bièvre" (2002), un livre fait de tissus brodés, rend hommage à la rivière chargée de tanins qui coule près de l'atelier de restauration de tapisseries de la famille Bourgeois.

Mais dans "Cell (Choisy)" (1990-1993), Louise Bourgeois a placé une guillotine devant une reproduction en marbre rose pâle de la maison de son enfance, entourée d'une grille noire.

- "Sans équivalent" -

Les fondateurs du musée Glenstone, Emily et Mitch Rales, n'ont mis que quelques années à réunir ces oeuvres très diverses.

Avoir sa propre collection a ses avantages. Les structures en bois semblables à des totems ont ainsi été fixées directement au sol et non sur une base en métal, comme les autres musées font d'habitude.

Pour Jerry Gorovoy, la collection est "sans équivalent" de par la diversité des oeuvres et le fait que nombre d'entre elles soient tardives.

"Qu'ils aient pris cette approche en profondeur est vraiment important", dit-il.

Parmi les oeuvres présentées figure une série de six gravures à l'eau-forte peintes à la main, intitulée "I Give Everything Away", que Louise Bourgeois a créée en 2010, l'année de son décès à 98 ans.

L'artiste y fait ses adieux en écrivant d'une main tremblante des messages comme "Je fais mes valises", à côté d'images d'humains, de plantes ou de formes abstraites.

Après ce voyage oppressant qui ressemble parfois à une intrusion dans la psyché de la Franco-Américaine, la vue des paysages verts et soignés de Glenstone est un véritable soulagement.

"Louise Bourgeois: To Unravel a Torment" se poursuit jusqu'en janvier 2020, avec une fermeture temporaire en septembre pour préparer l'inauguration de la nouvelle aile du musée.

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