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Un psy atomise les hommes politiques: "Ils sont souvent immatures et pensent être au-dessus des lois"

En France, un secrétaire d'Etat vient d'être viré du gouvernement pour ne pas avoir payé ses impôt ni son loyer pendant des années. L'Agence France Presse a interviewé un psychologue à ce sujet. "[Les hommes de pouvoir] peuvent avoir un sentiment irrationnel d'impunité", a-t-il estimé.

Le comportement de l'éphémère secrétaire d'État au Commerce extérieur Thomas Thévenoud, viré du gouvernement pour avoir omis de payer ses impôts et son loyer pendant plusieurs années, n'est pas exceptionnel chez les hommes ou femmes de pouvoir, indique le psychologue et auteur de plusieurs ouvrages sur la classe politique, Jean-Pierre Friedman, interrogé par l'agence France Presse. Voici le compte-rendu de l'interview. AFP : Que pensez-vous de l'attitude de Thomas Thévenoud qui, selon Le Canard enchaîné, aurait également omis de payer son loyer pendant trois ans ? Jean-Pierre Friedman : C'est un comportement assez typique des hommes et femmes de pouvoir, y compris des politiques, qui sont souvent des gens immatures. C'est un mélange de narcissisme et de mégalomanie insatiables qu'on trouve chez l'enfant à partir de 2 ou 3 ans, tant qu'il n'a pas été confronté au principe de réalité. La plupart des personnes de pouvoir sont restées bloquées à ce stade infantile. Elles sont avides, à la recherche du toujours plus. Elles ont la conviction profonde qu'elles sont au-dessus des autres, qu'elles constituent une race à part et méritent des privilèges, mais aussi qu'elles n'ont pas de compte à rendre. AFP : Que pensez-vous  des explications données par Thomas Thévenoud pour se justifier comme la "phobie administrative" ? Est-il conscient de la gravité de ses actes ? Comment a-t-il pu être membre de la commission sur la transparence et critiquer vivement l'ancien ministre Jérôme Cahuzac sur ses comptes à l'étranger ? Jean-Pierre Friedman : La phobie administrative n'existe pas, c'est une énorme bêtise d'avoir utilisé cet argument. En ce qui concerne les retards de déclarations et de paiements aux impôts, il s'agit d'une technique bien connue des conseillers qui entourent les politiques : lorsque le mensonge est tellement énorme qu'on ne peut plus le nier, on le banalise. Mais le plus important c'est que les hommes de pouvoir ne vivent pas dans un monde normal, ils vivent dans l'illusion de la toute puissance et tendent à perdre contact avec le réel d'autant plus aisément qu'ils ont généralement une vie facile et qu'ils se sentent légitimes. Ils peuvent avoir un sentiment irrationnel d'impunité. Et à l'instar de ce qui se passe chez l'enfant, plus ils sont impunis, plus leur sentiment d'impunité se renforce. On peut parler de pulsions infantiles coiffées par de l'inconscience et une absence complète de réalisme. Quant aux critiques (adressées par Thomas Thévenoud à Jérôme Cahuzac), elles se sont uniquement focalisées sur les actes d'un personnage, devenu un bouc-émissaire. AFP : Les personnes de pouvoir se considèrent-elles au-dessus des lois ? Jean-Pierre Friedman : Elles ont tendance à considérer que la loi et la morale, c'est pour les autres et pas pour eux et s'indignent sincèrement qu'on puisse leur reprocher des irrégularités ou des fraudes. Il y a clairement une déconnexion avec le réel. Les politiques sont par ailleurs tiraillés entre le fait que tout est permis et qu'en même temps, ils doivent faire des choses positives afin de renforcer leur image électorale et du même coup leurs ambitions. Les buts poursuivis sont rarement désintéressés. Comme le disait André Malraux "le pouvoir doit se définir par la possibilité d'en abuser".

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