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Venezuela: une présidentielle sans opposition, trois scénarios

Après le boycott par l'opposition du scrutin présidentiel du 22 avril au Venezuela, qui a le plus à perdre? Entre discrédit d'une réélection de Nicolas Maduro et affaiblissement du camp adverse, voici trois scénarios pour ce pays en crise.

- Maduro et son ombre -

En refusant de participer à la présidentielle anticipée, les principaux partis de la coalition de la Table de l'unité démocratique (MUD) cherchent à ôter toute légitimité au chef de l'Etat socialiste en cas de réélection jusqu'en 2025.

Une pure formalité sans adversaire de poids, selon les analystes.

Contrôle des pouvoirs, opposition divisée et système clientéliste: Maduro, président du Venezuela depuis 2013, a réussi à survivre à une situation qui aurait fait chuter le chef de l'Etat dans nombre de pays.

"Si Maduro se retrouve à affronter son ombre, il ne sera pas à l'aise et son manque de légitimité ira crescendo", juge le politologue Edgard Gutiérrez, directeur de l'institut de sondages Venebarometro.

Mais jouer la politique de la chaise vide sans "un plan clair pour remobiliser la société et accentuer la pression serait finalement un très mauvais choix" qui viendrait miner l'opposition, résume Félix Seijas, de l'institut Delphos.

La MUD devra donc préciser si elle choisit "l'abstention passive ou active, si (sa décision) est accompagnée de nouvelles manifestations", souligne le consultant politique Oswaldo Ramirez.

L'opposition semble miser sur l'action: elle a annoncé la création d'un large front national, regroupant les acteurs de la société et de la politique, pour "aboutir à des élections propres cette année".

Elle devra pour cela convaincre ses partisans, déçus de ne pas avoir réussi à chasser le chef de l'Etat après plus de quatre mois de violentes protestations qui ont fait 125 morts en 2017.

- Des possibles adversaires -

Tout en annonçant son boycott, le camp anti-présidentiel a laissé une porte ouverte: il a mis au défi Nicolas Maduro de "se mesurer au peuple dans de vraies élections".

Si certaines conditions (observateurs internationaux, nouvelle date de scrutin au second semestre, désignation d'un Conseil national électoral "équilibré ") venaient à être acceptées par le gouvernement, alors la MUD se présenterait.

"C'est la bonne voie: elle pose des conditions pour que l'élection soit légitime et reconnue", explique à l'AFP Luis Vicente Leon.

Mais si le gouvernement se montrait inflexible, des groupes minoritaires de l'opposition pourraient malgré tout se présenter, juge Oswaldo Ramirez.

Parmi eux, le pasteur évangélique Javier Bertucci et le dissident du chavisme Henri Falcon, du parti Avancée progressiste. L'opposant Claudio Fermin a annoncé jeudi qu'il ne se présenterait finalement pas.

Ces deux adversaires, non encore inscrits officiellement, vont permettre au gouvernement de légitimer le scrutin, estime le politologue Nicmer Evans, dissident du chavisme.

Mais même si Henri Falcon affronte le chef de l'Etat, la communauté internationale "va continuer à considérer ce scrutin comme illégitime" car il a été convoqué par l'Assemblée constituante, uniquement composée de membres du camp au pouvoir et non reconnue par plusieurs pays et l'opposition.

- Une implosion du chavisme -

Si le président Maduro se retrouve seul à la présidentielle, il court le risque d'une implosion du chavisme, la doctrine héritée de son prédécesseur et mentor Hugo Chavez, président de 1999 à sa mort en 2013, juge l'analyste Luis Vicente Leon.

"Pour la première fois en 20 ans, les chavistes devront décider s'ils continuent à soutenir Maduro lors d'une élection qui, loin de l'aider, va le discréditer davantage" et pourrait entraîner de nouvelles sanctions internationales, a-t-il ajouté.

Washington, qui critique un régime "corrompu et hostile" et qualifie M. Maduro de "dictateur", a déjà pris des sanctions individuelles contre de hauts responsables du gouvernement de Caracas. En janvier, l'Union européenne a aussi voté des sanctions contre sept hauts responsables du Venezuela (gel des avoirs et interdiction de visas pour l'UE).

Mais Nicmer Evans pense que la pression internationale n'a pas d'impact sur Nicolas Maduro. "Il n'y a pas de gouvernement totalitaire qui soit sans isolement" international.

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