Accueil Actu

Violences conjugales: un bouton d'alerte Bluetooth testé dans l'Yonne

Dans une salle de la mairie de Sens (Yonne), une jeune femme se familiarise avec un petit bouton poussoir relié en Bluetooth à son téléphone. Testé dans le département depuis un an auprès de victimes de violences conjugales, il alerte discrètement des proches en cas d'urgence.

Lætitia (le prénom a été modifié), 28 ans, raconte être victime de son ancien compagnon, père de ses deux enfants, pourtant déjà condamné un an plus tôt à de la prison avec sursis pour des faits similaires.

"Il me suit, me menace. Quand monsieur a eu des actes de violence envers moi, j'ai porté plainte", raconte la jeune femme qui dit craindre pour sa sécurité et celle de ses enfants. Elle tient entre deux doigts ce petit bouton nommé "Monshérif".

La directrice de l'association départementale d'aide aux victimes (Adavirs), Marie-Laure Bouard-Desvaux, lui explique le maniement du dispositif. On peut par exemple, suggère-t-elle, "le clipser à sa bretelle de soutien-gorge". Ou le glisser dans la poche.

En un an de test, l'association "en a distribué pas loin d'une trentaine aux victimes et une quinzaine à nos partenaires", sur la cinquantaine fournie gratuitement pour l'expérimentation par le fabricant français Meetphone, se félicite Mme Bouard-Desvaux.

Mais il en faudrait davantage pour "qu'on puisse le proposer à chaque fois. Nous recevons 1.200 nouvelles victimes chaque année", souligne la directrice de l'association qui cherche des financements et indique avoir reçu une réponse favorable de la préfecture pour acquérir 50 boutons supplémentaires grâce à une "subvention exceptionnelle".

A la mairie de Sens, Lætitia a installé l'application sur son téléphone et saisi les contacts de ses proches qui seront prévenus en cas de problème: ses parents et des amis. Elle peut désormais tester l'appareil.

Un seul clic: un message rassurant, tout va bien. Deux clics rapprochés génèrent un message d'alerte et appelle automatiquement les proches. Dans les deux cas, la géolocalisation est envoyée. Un clic long déclenche une sirène dans le téléphone pour faire fuir un assaillant ou enregistre l'ambiance sonore, au choix.

- Sirène dans un supermarché -

Le téléphone de Lætitia se met à sonner avec insistance. Sa maman, pas avertie du test, a déjà prévenu la police. Rassurée par sa fille, elle décommandera les forces de l'ordre.

"On a des victimes qui nous disent +je revis+", affirme Mme Bouard-Desvaux qui rapporte l'histoire d'une autre victime ayant fait fuir son ex-conjoint en déclenchant la sirène au milieu d'un supermarché.

"Ça vient compléter le téléphone grave danger", estime-t-elle, en référence à cet appareil muni d'une unique touche permettant d'appeler les secours, mais dont les conditions d'attribution sont contraignantes. Il complètera aussi le bracelet antirapprochement dont l'Assemblée a voté mardi la mise en place.

Le bouton "Monshérif" est plus souple, fait-elle valoir, et peut être attribué à une femme qui vit encore au domicile conjugal ou être acheté indépendamment sur Internet au prix de 50 euros - l'application comprend 50 SMS et 25 appels gratuits, puis la recharge est payante.

Dans l'Yonne, l'association a décidé avec le tribunal de grande instance d'Auxerre de le donner gratuitement - et définitivement - aux victimes éligibles à l'aide juridictionnelle, mais aussi à celles qui se trouvent dans une situation financière difficile.

Depuis son lancement en mai 2016, Meetphone a écoulé 7.000 boutons Monshérif, majoritairement achetés en ligne, selon Dominique Brogi, la présidente de l'entreprise, qui voit dans le Grenelle des violences conjugales l'occasion de gagner en visibilité.

Mais le bouton a été conçu pour la "sécurité nomade" au sens large, précise la dirigeante, qui cite notamment chauffeurs de taxis, infirmières libérales, séniors ou encore familles avec enfants.

La mairie de Sens, qui a inauguré l'an dernier un "lieu d'accueil et d'écoute pour les femmes victimes de violences conjugales", est convaincue: elle s'est d'ores et déjà procuré 15 boutons.

"La vie d'une femme vaut bien, largement, le coût" de ce dispositif, lance Ghislaine Pieux, adjointe au maire chargée de la jeunesse et du lien social, qui envisage déjà d'en acquérir d'autres, en fonction des demandes.

À lire aussi

Sélectionné pour vous