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Weinstein, Trump: les clauses de confidentialité en question

Qu'il s'agisse de harcèlement ou même de relations consenties, les clauses de confidentialité sont courantes aux Etats-Unis pour protéger du scandale célébrités ou chefs d'entreprise, mais les récentes affaires Weinstein ou Stormy Daniels ont déjà commencé à remettre en cause cette pratique.

Difficile d'évaluer la popularité de ces accords amiables avec des clauses imposant le silence, car ils sont, par nature, secrets, mais de l'avis général, ils sont très répandus dans des affaires sexuelles, en particulier pour des pratiques non consensuelles.

"Il y a beaucoup plus d'accords amiables que de procès", disait à l'AFP l'avocate spécialisée Gloria Allred avant le procès Cosby, en juin 2017.

"Les clauses de confidentialité (en entreprise) ont des avantages et des inconvénients", explique Lauren Topelsohn, avocate spécialisée en droit du travail au sein du cabinet Mandelbaum Salsburg.

L'immense majorité des accords concerne le secret des affaires et la non-concurrence et leur utilité est communément reconnue, mais lorsqu'ils portent sur le harcèlement sexuel ou une agression, "cela permet aux harceleurs de continuer et de s'en prendre à des personnes qui ne se méfient pas", souligne la juriste.

Ce fut notamment le cas pour Harvey Weinstein, dont le studio, The Weinstein Company, a conclu plusieurs accords avec des victimes présumées du producteur déchu, et avait également imposé à ses propres employés une clause de confidentialité couvrant ces faits.

Depuis la révélation de l'affaire Weinstein, de nombreuses voix s'élèvent pour que tous faits de nature sexuelle ne puissent plus faire l'objet d'accords de confidentialité entre un employeur et un salarié.

En janvier, un texte de cette nature a été présenté devant le Sénat californien et est en cours d'examen.

Sur le plan fédéral, le Conseil fédéral des relations sociales (NLRB) a validé le principe de la clause de confidentialité en entreprise, même si l'essentiel des textes applicables relève de chaque Etat.

Pour l'avocat de Philadelphie Max Kennerly, qui a publié début janvier un long post sur le sujet sur son blog, "on peut douter" des chances de faire condamner en justice une victime présumée qui aurait rompu un accord de confidentialité.

Il cite plusieurs exemples de jurisprudence qui tendent à montrer que les tribunaux considèrent les auteurs de harcèlement ou d'agression sexuelle comme "une menace" et admettent la révélation de leurs agissements.

- Accords souvent déséquilibrés -

Mais sans attendre une évolution de la législation, les entreprises commencent déjà à prendre les devants.

"Ces six derniers mois, j'ai pu observer que les sociétés ne protégeaient plus leurs dirigeants comme elles le faisaient auparavant", explique Lauren Topelsohn.

"Elles licencient beaucoup plus rapidement" un cadre mis en cause pour harcèlement ou agression sexuelle, dit-elle. "Elles ne tolèrent plus" ces pratiques et "ne veulent pas s'exposer à une mauvaise publicité et des poursuites potentielles", même si un licenciement ne les exonère pas complètement pour autant.

Un mouvement accéléré, selon elle, par une disposition enfouie dans le texte de la récente réforme fiscale adoptée en décembre par le Congrès.

L'article supprime la déduction fiscale dont bénéficiaient jusqu'ici les sommes versées dans le cadre d'accords confidentiels portant sur des faits de harcèlement ou d'agression sexuelle, côté employeur mais aussi salarié, ce qui les rend bien moins attractifs financièrement.

Restent les accords conclus hors du champ de l'entreprise, comme celui intervenu entre l'avocat de Donald Trump, Michael Cohen, et la star du porno Stormy Daniels, qui a reçu 130.000 dollars pour ne rien dire publiquement de la relation sexuelle qu'elle affirme avoir eue avec l'ancien promoteur immobilier. Une liaison que la Maison Blanche a encore formellement démenti lundi.

Ceux-là sont encore plus contestés, même dans les cas où ils ne couvrent rien d'illégal, car, comme le souligne Frank Bress, professeur à la New York Law School, ils impliquent souvent un déséquilibre entre une célébrité ou une fortune d'un côté, et un anonyme de l'autre.

Pour lui, Stormy Daniels "n'a pas reçu grand chose au regard de ce qu'elle devait payer si elle rompait l'accord", soit un million de dollars par rupture de confidentialité.

De l'avis de plusieurs juristes, il est très improbable que le tribunal de Californie qu'a saisi Stormy Daniels condamne l'actrice porno à payer ces sommes, soit 20 millions de dollars au total.

De manière générale, la vague de rupture d'accords de confidentialité ces derniers mois, d'Harvey Weinstein à Donald Trump en passant par l'ancien présentateur vedette de la chaîne Fox News Bill O'Reilly ou le comédien Bill Cosby, pourrait remettre en cause leur popularité.

Sans compter, selon Lauren Topelsohn, qu'à l'avenir, "les tribunaux vont probablement regarder ces accords de plus près".

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