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Le Zimbabwe attend toujours les résultats de la présidentielle, crainte de nouvelles violences

Le Zimbabwe entre jeudi dans sa troisième journée d'attente fébrile des résultats d'une présidentielle historique, au lendemain de violences ayant suivi l'annonce du triomphe au parlement du président sortant, face à une opposition qui revendique aussi la victoire.

Les résultats officiels de la présidentielle, opposant lundi Emmerson Mnangagwa, le président sortant, et le leader de l'opposition Nelson Chamisa, ne sont pas encore connus, mais ce dernier a déjà affirmé qu'ils étaient en train d'être truqués.

De premiers résultats partiels de la présidentielle --la première depuis la chute de Robert Mugabe, au pouvoir pendant près de quarante ans-- devaient être annoncés mercredi, mais cela n'a pas été le cas.

Des violences opposant forces de l'ordre et partisans de l'opposition ont fait trois morts mercredi à Harare, après l'annonce de résultats partiels des législatives tenues lundi en même temps que la présidentielle.

Selon ces résultats, publiés par la commission électorale (ZEC), sur 205 des 210 circonscriptions du pays, la Zanu-PF du président, au pouvoir au depuis 1980, rafle 144 sièges --ce qui lui assure la majorité absolue à la chambre basse--, tandis que le MDC (Mouvement pour le changement démocratique) de Nelson Chamisa obtient 61 sièges.

Ces résultats contredisent les annonces la veille du MDC, qui avait revendiqué la victoire.

Le président Mnangagwa, qui a succédé en novembre à Robert Mugabe, avait prévenu dès vendredi qu'il tenait l'opposition pour "responsable" de toute perte humaine lors de manifestations post-électorales.

La police a confirmé mercredi "la mort regrettable de trois personnes pendant les émeutes et la mêlée" dans le centre de la capitale Harare.

Le ministre de l'Intérieur, Obert Mpofu, a averti que son gouvernement "ne tolérera pas" la contestation de l'opposition dans la rue.

"Nous ne tolérerons pas les agissements que nous avons observés aujourd'hui", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse, avertissant l'opposition qu'elle ferait "une grosse erreur" en prenant l'attitude du gouvernement pour de la "faiblesse".

- "Gagner du temps" -

"Aujourd'hui, nous avons vu le déploiement de chars et des tirs à balle réelle sans raison apparente", a dénoncé le porte-parole du MDC, Nkululeko Sibanda, qui a condamné "la brutalité dont nous avons été victimes aujourd'hui sans aucune raison".

La commission électorale "cherche à publier des résultats (partiels, ndlr) pour gagner du temps et inverser la victoire du peuple à l'élection présidentielle", a-t-il affirmé sur son compte Twitter, avant de réaffirmer: "Nous avons remporté le vote populaire et nous le défendrons".

Les Etats-Unis, qui se sont dits "profondément inquiets", ont appelé dans la soirée l'armée "à faire preuve de retenue quand elle disperse les manifestants".

Idem pour l'ancienne puissance coloniale britannique, qui a appelé au "calme et à la retenue" et exhorté "les leaders politiques à assumer leurs responsabilités... à ce moment critique", et pour l'ONU qui a pressé le gouvernement et l'opposition à rejeter "toute forme de violence".

Un homme touché à l'estomac a succombé à ses blessures, a constaté mercredi un photographe de l'AFP. Auparavant, la police avait fait usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau pour tenter de disperser la foule massée devant des bureaux temporaires de la commission électorale, qui a riposté à coups de pierre.

- Soldats dans les rues -

"On ne veut pas les soldats dans la rue. Ils ne vont pas nous faire taire avec leurs fusils", a assuré Beridge Takaendesa, un ancien agent immobilier de 43 ans, mécontent de l'annonce des résultats donnant la victoire aux législatives du parti du président.

Des barricades ont été érigées dans la ville. Des policiers anti-émeutes bloquaient l'accès au siège du principal parti de l'opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), tandis que des véhicules militaires patrouillaient en ville.

Les scrutins de l'ère Mugabe ont été régulièrement entachés de fraude et de violences. M. Mnangagwa, son successeur et ancien bras droit, avait promis des élections justes, pacifiques et transparentes et invité des observateurs occidentaux, une première en 16 ans.

Les observateurs de l'Union européenne (UE) ont dénoncé "l'inégalité des chances" entre les candidats et des "intimidations d'électeurs", tout en soulignant que le climat politique s'est "amélioré" au Zimbabwe.

- Le président "confiant" -

Sans majorité absolue au premier tour, les deux candidats s'affronteraient alors au second tour le 8 septembre.

Pour sa part, le président Mnangagwa s'était dit confiant mardi dans la victoire, faisant état d'informations "extrêmement positives" sur le terrain.

Les électeurs se sont déplacés en masse lundi pour les premières élections générales post-Mugabe, alors que le pays est embourbé dans une grave crise économique depuis près de deux décennies.

Robert Mugabe, écarté par un coup de force de l'armée et de son parti, après être entré en crise ouverte avec Emmerson Mnangagwa, avait été contraint de démissionner en novembre après trente-sept ans au pouvoir.

Dimanche, lors d'une conférence de presse surprise, le nonagénaire a annoncé qu'il ne voterait pas Zanu-PF, laissant sous-entendre qu'il glisserait un bulletin Chamisa.

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