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"Ex" pour le gouvernement, la présidente de la Cour suprême travaille comme d'habitude

La présidence polonaise a réaffirmé jeudi que la présidente de la Cour suprême doit quitter ses fonctions en vertu d'une réforme controversée, alors que la magistrate, qui le refuse, a repris son travail comme d'habitude, selon ses collaborateurs.

Le conflit entre la magistrate et le pouvoir politique polonais s'inscrit dans le cadre de réformes judiciaires qui font l'objet d'un différend plus vaste opposant Varsovie à Bruxelles sur l'Etat de droit. La Commission européenne a lancé lundi une procédure d'infraction d'urgence contre Varsovie qui pourrait aboutir à des sanctions financières.

Le président Andrzej Duda a envoyé jeudi des confirmations écrites de mise à la retraite à plusieurs juges de la Cour suprême touchés par la limite d'âge de 65 ans, dont Mme Malgorzata Gersdorf, a annoncé un des collaborateurs du chef de l'Etat Andrzej Dera.

Qualifiant la magistrate de "retraitée", M. Dera a déclaré que toutes ses activités officielles sont "légalement caduques", selon l'agence polonaise PAP.

"Mme Gersdorf travaille déjà à son bureau depuis ce matin", a répliqué pour l'AFP le service de presse de la Cour suprême. Elle l'a fait déjà la veille, alors qu'aux yeux du gouvernement ses fonctions avaient cessé mardi à minuit.

Le courrier présidentiel la concernant n'était pas encore parvenu à la Cour en début d'après-midi, a indiqué à l'AFP son porte-parole Michal Laskowski. La magistrate avait annoncé qu'elle partirait en vacances lundi.

De son côté, le ministre conservateur de la Justice Zbigniew Ziobro a repris jeudi à la radio l'argumentation selon laquelle Mme Gersdorf, 65 ans, devrait se conformer à la réforme qui avait abaissé l'âge de la retraite des juges de 70 à 65 ans.

Si elle conteste la constitutionnalité de la réforme, elle n'a qu'à s'adresser au Tribunal constitutionnel, a-t-il dit en substance.

Le Tribunal a lui aussi subi des changements introduits par le parti majoritaire Droit et Justice (PiS) en 2016 et contestés par une partie du milieu judiciaire.

Sept des quinze juges du Tribunal constitutionnel ont signé jeudi une lettre accusant d'"irégularités" sa présidente, la juge Julia Przylebska, nommée sur recommandation du PiS. Ces "irrégularités" concerneraient notamment la composition des collèges de juges et la désignation de leurs présidents. Mme Przylebska a rejeté ces critiques.

Soutenue par ses pairs et des milliers de manifestants, Mme Gersdorf, elle, estime que la Constitution, qui fixe explicitement la durée de son mandat à six ans, est prioritaire par rapport à la loi ordinaire en question, qu'elle juge en partie inconstitutionnelle.

- Limite d'âge -

Selon le ministre de la Justice, un autre article de la Constitution prévoit que l'âge de la retraite est établi par une loi ordinaire.

Invoquant "le bon sens", M. Ziobro a ajouté que "si quelqu'un exerce une fonction de direction et prend sa retraite, il ne peut, en tant que retraité, faire fonction de chef de son institution".

Parmi les 27 juges de la Cour suprême touchés par la limite d'âge, seize ont demandé à continuer à travailler et resteront en fonction en attendant une décision du président de la République.

Sur les onze autres qui ne l'ont pas fait, dix - à l'exception de Mme Gersdorf - ont accepté leur départ, a indiqué à l'AFP le service de presse de la Cour.

"Nous contestons cette loi (abaissant l'âge de la retraite), mais nous ne pouvons pas invoquer directement la Constitution, donc nous nous y conformons", a précisé aux médias polonais le porte-parole de la Cour Michal Laskowski.

Les critiques de la législation introduite par les conservateurs estiment qu'elle contredit un principe fondamental de séparation des trois pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire. L'opposition polonaise y voit aussi une tentative de mainmise du parti majoritaire sur le système judiciaire.

Les conservateurs de Droit et Justice (PiS), expliquent leurs réformes par la nécessité d'améliorer la piètre efficacité des tribunaux et de combattre la "caste corrompue des juges" ancrée selon eux dans le passé communiste.

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