Accueil Actu

"Il est parti réparer la climatisation": Emmanuel Macron se moque du président du Burkina Faso qui quitte la salle (vidéo)

Emmanuel Macron a prononcé mardi un discours de près de deux heures à l'université de Ouagadougou, devant 800 étudiants, avant de se prêter aux questions-réponses. Il s'est moqué du président du Burkina Faso suite à une question d'une jeune femme. Ce moment a marqué les esprits.

Le lieu: l'amphithéâtre de l'université de Ouagadougou, bondé. La climatisation tourne à fond, elle qui ne marche habituellement jamais. Les personnages: 800 étudiants du Burkina Faso, impatients de débattre. Face à eux, le président français Emmanuel Macron vient de discourir deux heures, appelant les Africains à résoudre eux-mêmes leurs problèmes. C'est le moment des questions-réponses. Les jeunes, souvent très politisés, reprochent pour beaucoup à la France un rôle néo-colonial. Les échanges s'enflamment dans un brouhaha croissant mais bon enfant. Au pupitre, Emmanuel Macron, sourire en coin, élève de plus en plus la voix, sans craindre d'en découdre, ravi de se jeter dans l'arène pour les convaincre.

Alors qu'une étudiante lui demande si la climatisation restera branchée après son départ, il lance: "Vous me parlez comme si j'étais toujours une puissance coloniale... Je ne veux pas m'occuper de la climatisation dans les universités du Burkina, c'est le travail du président (burkinabè Roch Marc Christian) Kaboré!". Et, se moquant de son homologue qui quitte la salle: "Du coup il s'en va... Reste là! Il est parti réparer la climatisation!", plaisante le président français. Le président Kaboré est revenu plus tard, souriant.

"Imaginez une jeune femme qui vit à Angoulême, en France", dit-il à une étudiante qui critique la présence des soldats français au Burkina. "Elle n'a peut-être jamais entendu parler du Burkina. Son jeune frère est peut-être mort ces derniers mois pour vous sauver. Et vous la remerciez en disant ça? Vous n'avez pas votre jeune frère qui est en train de se battre sur le sol belge ou français. Ne venez pas me parler comme ça des soldats français. Vous ne devez qu'une chose aux soldats français, les applaudir", dit-il récoltant... des applaudissements.

"J'ai apprécié positivement son discours, cependant sur l'impérialisme français, la présence des bases françaises en Afrique, il a botté en touche", s'insurge Modeste Bagoro, étudiant en mathématiques.


"N'ayez pas des obsessions"

Le débat se poursuit. A une question sur le franc CFA et "l'or du Burkina" qui serait déposé à la Banque de France, et s'il a "peur" d'en parler, Macron rétorque: "Qui fait des études d'économie ici ?" Aucune main ne se lève... "Si quelqu'un peut me dire où l'or burkinabè est caché à Paris je suis preneur! Il n'y en a pas, il faut être sérieux. Tout le monde va se calmer". Avant d'expliquer, pédagogique, qu'il existe bien des dépôts de réserve à la banque centrale indispensables pour garantir une monnaie.

"N'ayez pas des obsessions", poursuit-il sur le CFA. "Si demain quelqu'un décide de ne plus en être membre, il n'y est plus". Se retournant vers le place toujours vacante du président Kaboré, il ironise: "Dès qu'il aura réparé la clim' de l'amphithéâtre il sortira de la zone franc, vous l'avez compris!"

"Ce n'est pas aussi facile qu'il le dit car il y a un risque que la France retire tous ses intérêts. Donc la sortie du franc CFA se présente comme un couteau tranchant pour nous-mêmes", estime un étudiant. Macron s'agace : "N'ayez pas ce discours de revendication post-colonialiste qui n'est pas de votre génération. N'ayez pas une approche bêtement post-coloniale ou anti-impérialiste"


"Ca n'existe pas les frontières ouvertes à tous les vents"

Quand un étudiant lui demande d'ouvrir les frontières aux migrants, il répond : "Je ne peux pas expliquer à mes classes moyennes qui ont travaillé, qui paient des impôts, que c'est formidable, qu'on va accueillir tout le monde. C'est ridicule, qui va financer ça? Vous allez nourrir le racisme et la xénophobie. Ca n'existe pas les frontières ouvertes à tous les vents, ça ne marche pas".

Sur l'esclavage en Libye, il attaque : "Qui sont les auteurs du trafic ? Ce sont des Africains, mon ami! Posez-vous la question, arrêtez de dire que le problème, c'est l'autre. Il y a des Africains qui escalavagisent d'autres Africains. Nous les combattrons mais ne venez pas me faire des leçons de morale. Il ne faut aucun propos simpliste. Ces scènes sont intolérables pour moi autant que pour vous".

Beaucoup d'étudiants sont séduits... Surtout par la forme. "Son discours était beau mais qu'il se rappelle qu'il ne doit pas se limiter à la rhétorique", réagit Sawadogo François. "Il est venu s'imprégner de nos réalités. On attend de voir ce qui va être fait en faveur de la jeunesse burkinabè et africaine. On espère qu'il mettra en application son discours"


"Un discours de rupture"

Une "rupture" avec le "paternalisme" mais une absence d'"actes concrets" pour bâtir de nouvelles relations entre la France et l'Afrique: la presse de mercredi accueille avec prudence le discours d'Emmanuel Macron à Ouagadougou. Le Parisien évoque "un discours de rupture avec la Françafrique et un jeu de questions-réponses électrique avec des étudiants", mardi dans la capitale du Burkina Faso, première étape de la tournée africaine du président français.

En affirmant qu'"il n'y a plus de politique africaine de la France", Emmanuel Macron "a été clair : la politique africaine de la France, c'est fini. Bye bye la Françafrique...", commente Patrice Chabanet du Journal de la Haute-Marne. "En acceptant les questions de la salle, le président a transformé un rituel bien réglé en un show improvisé qui marquera les esprits", estime Laurent Joffrin dans son éditorial de Libération. 


'Grand O' plutôt réussi

Dans L'Opinion, Rémi Godeau juge lui aussi "le grand O" de Ouagadougou "plutôt réussi" et "de bon augure": "le chef de l'Etat a les moyens de rompre avec la Françafrique, tout l'y pousse même si tout y ramène". "A Ouagadougou, pas de révolution mais un discours réussi, direct et rénové" de la part d'un président français qui "n'était pas là pour donner des leçons, ni pour en recevoir", analyse pour sa part Arnaud de La Grange dans Le Figaro.

"Emmanuel Macron fustige le paternalisme et veut faire de l'Afrique un partenaire", souligne le quotidien économique Les Echos, qui met en avant la promesse élyséenne d'un renforcement des "partenariats en matière d'éducation".

"Il sera possible de mettre, aussi, en valeur le versant positif de la rencontre entre l'Europe et l'Afrique", insiste Guillaume Goubert dans La Croix. "Ces deux continents ne peuvent s'ignorer mutuellement. De leur capacité de coopération dépend pour une bonne part la construction d'un monde de paix". "Sur la forme, il a fait la différence, en soulignant qu'une nouvelle génération, des deux côtés, était désormais sur le devant de la scène. Sur le fond, la rupture est moindre", note toutefois Laurent Joffrin dans Libération.


"Il n'a posé que des mots"

"Emmanuel Macron avait l'opportunité de poser des actes concrets, il n'a posé que des mots. Ces derniers ne soigneront pas les maux de la Françafrique, qui avance désormais masquée", regrette Jean-Emmanuel Ducoin dans L'Humanité. Pour Laurent Bodin de L'Alsace, "il faudra plus qu'un bon discours pour faire oublier la Françafrique et restaurer des relations apaisées avec une partie de l'Afrique en colère".


Net rebond de popularité

Les cotes de popularité d'Emmanuel Macron et d'Édouard Philippe ont gagné respectivement 4 et 6 points en un mois, le Premier ministre recueillant à nouveau une majorité de bonnes opinions, selon un sondage paru mercredi.

À la une

Sélectionné pour vous