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"Merci monsieur Drouet": Mélenchon entre "clin d'oeil" historique et "mauvais signal"

"Clin d'oeil à l'Histoire" ou départ loin des "rives de la gauche"? Le chef de file des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, a suscité un trouble en exprimant au tournant de l'année sa "fascination" pour Eric Drouet, représentant médiatique controversé des "gilets jaunes".

"Merci monsieur Drouet": c'est sous ce titre de note de blog que Jean-Luc Mélenchon a fait ses dernières déclarations publiques de 2018. Il se félicite de la "sage et totale détermination" d'Eric Drouet: "La France est pleine de ces personnages qui marquent son histoire comme autant de cailloux blancs. C’est pourquoi je regarde Éric Drouet avec tant de fascination", écrit-il.

Et le patron des députés de La France insoumise de dresser avec amusement un long parallèle avec un homonyme, le révolutionnaire Jean-Baptiste Drouet, partisan de Robespierre qui contribua à faire arrêter Louis XVI.

Le billet a été commenté dans les réseaux sociaux. Mercredi, Benoît Hamon a ironisé, se disant "pas fasciné par quelqu'un qui, semble-t-il, assume d'avoir voté aux deux tours pour Marine Le Pen". Le fondateur de Générations a ainsi exprimé un malaise partagé au sein d'une partie de la gauche depuis plusieurs mois: "Comme beaucoup je ne comprends plus ce que fait Jean-Luc Mélenchon. En tout cas il a quitté les rives de la gauche".

"Non je n'ai pas voté FN et même si je l'avais fait ce n'est pas la question du jour (...). Mélenchon m'a adressé un texte, d'accord merci, maintenant je n'ai pas relevé car ce n'est pas le combat d'aujourd'hui", a réagi Eric Drouet sur Facebook.

M. Mélenchon a accusé dans la foulée Benoît Hamon d'avoir "inventé une fausse information".

Eric Drouet n'est pas aussi consensuel qu'une autre figure du mouvement, Priscilla Ludosky, que M. Mélenchon a également confié admirer. Le chauffeur routier de 33 ans, qui a parfois relayé des thèses complotistes, par exemple en s'inquiétant du pacte onusien de Marrakech sur l'immigration dans une vidéo avec Maxime Nicolle, avait en partie amorcé sur Facebook la mobilisation nationale du 17 novembre.

Alors qu'on lui demandait début décembre sur BFMTV ce qu'il comptait faire si la manifestation arrivait devant l'Elysée, M. Drouet avait répondu: "On rentre dedans". S'il s'en est ensuite défendu, sa déclaration a sur le coup semblé appeler au renversement des institutions, ce qui lui a valu une audition par la police. Le 22 décembre, il a été interpellé lors de "l'Acte VI" des manifestations à Paris pour "port d'arme prohibé" - un bâton - et sera jugé le 5 juin en correctionnelle.

- "Rouge/brun" -

Philippe Raynaud, professeur de sciences politiques à l'université Panthéon-Assas, se dit "surpris" auprès de l'AFP que "Mélenchon aille aussi loin" en soutenant un "personnage louche et ambigu". "Conscient que le développement autonome de LFI est bloqué, il essaie d'élargir sa base tous azimuts mais ça fait improvisé", juge l'universitaire.

"Il adopte une ligne plus dure, considérant que ça va basculer et que les choses vont retomber de son côté", analyse Philippe Marlière, politologue à l'University College de Londres et membre du collectif national de Générations. Mais ce faisant, "il fait des concessions énormes à l'extrême droite".

Le député LFI François Ruffin avait suscité un trouble similaire en décembre en rendant hommage à l'enseignant antilibéral Etienne Chouard, controversé pour son intérêt pour l'essayiste d'extrême droite Alain Soral. "Je n'aurais pas pris en modèle Etienne Chouard.

"Il ne faudrait pas que la référence à Eric Drouet envoie un mauvais signal, il faut préserver toute la diversité des +gilets jaunes+" et ne pas se focaliser sur une figure, s'inquiète dans la même veine François Cocq, un des orateurs nationaux de LFI, pourtant fervent partisan de la stratégie populiste.

"Il est regrettable que les commentateurs ne sachent pas apprécier le clin d'oeil à l'Histoire sans verser dans la polémique", défend à l'inverse Adrien Quatennens, député LFI du Nord.

Mercredi soir, Eric Drouet a été interpellé et placé en garde à vue pour avoir organisé une manifestation sur les Champs-Elysées sans autorisation. Jean-Luc Mélenchon a tweeté: "De nouveau Éric Drouet interpellé. Pourquoi ? Abus de pouvoir. Une Police politique cible et harcèle désormais les animateurs du mouvement gilet jaune".

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