Accueil Actu

#MeToo: des retours de bâton possibles mais un tournant pour les femmes

Un an après la tempête #MeToo, l'universitaire de renommée mondiale, Michelle Perrot, spécialiste de l'histoire des femmes, explique les ressorts de ce mouvement, auquel elle croit, même si des retours de bâton ne sont pas à exclure.

Q: Avez-vous tout de suite cru à #MeToo ?

R: Je l'ai tout de suite vu comme un événement important qui se situe dans une plus longue durée. #MeToo ne vient pas de nulle part: ça fait quand même cinquante ans que les femmes parlent de leur corps, avec dans les années 70, la contraception, l'avortement...

Aujourd'hui, je crois que c'est dans le prolongement de ce mouvement-là, avec un pas de plus vers l'intimité. Ces paroles de femmes qui ont surgi, ces plaintes qui se sont amplifiées de manière considérable, révèlent le comportement des hommes, le fait qu'il y a souvent une forme de pouvoir.

Ce sont les hommes qui ont le pouvoir dans les médias, en politique, en religion, et qui exercent en même temps ce pouvoir sur le corps des femmes.

#MeToo a des conséquences au premier niveau, sur la vie des femmes elles-mêmes, mais aussi par ce qu'il révèle de l'exercice du pouvoir dans nos sociétés.

Q: En quoi est-ce différent des autres mouvements d'émancipation féminine ?

R: La différence est que #MeToo est plus massif.

Cette espèce de déferlante, c'est en partie grâce aux moyens de communication, aux réseaux sociaux... Avant ça n'existait pas: avec le Mouvement de libération des femmes (MLF) dans les années 70, on prenait le téléphone et puis c'est tout...

Cette nouveauté technique a des conséquences sur le mouvement lui-même. Les mouvements d'avant étaient des mouvements lents, les mouvements de maintenant sont ultra-rapides, avec les avantages et peut-être aussi les inconvénients: ce qui va très vite s'oublie. Ça peut aussi être plus superficiel.

#MeToo a aussi un pouvoir d'entraînement: quand on pense que les religieuses du Vatican en ont profité pour dire à leurs supérieurs "vous ne nous considérez pas assez". C'est donc un mouvement de prise de parole ET de protestation contre la domination masculine.

Q: Avez-vous confiance dans sa poursuite ?

R: Oui. Parce que les femmes ont cessé d'être uniquement victimes pour être actrices. Elles ont renversé la donne, elles n'oublieront pas l'effet que ça a produit, la revanche, le sentiment pour une fois d'avoir été écoutées...

Ce n'est pas exclu non plus qu'il y ait une sorte de retour en arrière. A chaque fois qu'on donne un droit aux femmes, il y a une peur d'une frange non négligeable de la société, masculine et féminine, pour dire "l'équilibre va être remis en question".

Je ne pense pas du tout que #MeToo ait été trop loin, mais il est possible que ça ait eu un effet: les hommes se posent des questions sur eux-mêmes, sur leur propre identité.

Un médecin avec qui je discutais me disait "est-ce que vous vous rendez compte de l'effet que ça a sur les hommes ? Comment voulez-vous qu'ils bandent ?" Oui, il est tout à fait normal que les hommes se posent des questions. C'est tant mieux !

Même s'il y a des retours en arrière, il y a d'ores et déjà une expérience qui va être mémorisée et emmagasinée par les femmes. C'est une avancée !

À lire aussi

Sélectionné pour vous