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"OK boomer", ou comment la "génération Z" remet les "vieux" à leur place

"OK boomer", autrement dit "cause toujours, baby-boomer": en quelques mois, l'expression est devenue virale chez les jeunes Américains, révélatrice de leurs frustrations face aux "vieux" qui semblent mépriser leurs angoisses, notamment sur le changement climatique.

C'est "simple et court", une façon de remettre à leur place "les baby-boomers qui ont fait beaucoup de choses nuisibles pour la génération Z", explique Nina Kasman, étudiante de 18 ans dans l'Etat de l'Illinois.

"Ca veut dire: on ne va pas donner plus d'explication, car on sait que les baby-boomers n'écoutent pas nos explications. En plus, c'est une expression qui blesse plus que +petite nature+ ("snowflake", en anglais), qu'ils n'arrêtent pas d'utiliser contre nous".

La formule est apparue en début d'année sur des réseaux sociaux particulièrement prisés des plus jeunes comme TikTok, avant de prendre son envol cet été, grâce à une vidéo mise en ligne en juillet.

On y voit, sur une moitié d'écran, un homme d'une soixantaine d'années sermonner des jeunes "millenials", nés entre 1980 et 1996, et de la "Génération Z" (tous ceux nés après), les priant d'arrêter de rêver à une "société utopique" et d'"accepter la réalité".

Sur l'autre moitié, un jeune visiblement lassé de ce laïus brandit simplement un cahier d'écolier sur lequel il a griffonné "OK Boomer".

Depuis, les "mèmes" sur ce thème se sont multipliés, tandis que tee-shirts et mugs barrés de l'expression "OK boomer" apparaissaient sur les sites de vente en ligne.

L'expression a atteint le grand public via un article du New York Times fin octobre. Et une députée néo-zélandaise de 25 ans a fait le buzz cette semaine en lançant "OK boomer" à un collègue qui la chahutait tandis qu'elle dénonçait l'inaction face au changement climatique au Parlement de Wellington.

- "Marre d'être rabaissés" -

"On en a juste un peu marre d'être constamment rabaissés pour les choses que les jeunes aiment ou auxquelles ils croient, d'autant que certains problèmes ont été causés par les baby-boomers", résume Everett Solares, 19 ans, étudiante dans l'Alabama, qui comme Nina Kasman gagne un peu d'argent en vendant des tee-shirts "OK boomer".

Parmi les "problèmes" que les baby-boomers -- qui aux Etats-Unis rassemblent tous ceux nés entre 1946 et 1964 -- ont légué aux "millenials" et à la Génération Z: le changement climatique ou le poids de la dette étudiante.

Millenials et Generation Z sont de fait confrontés aujourd'hui à un marché du travail ultra-compétitif, des diplômes universitaires de plus en plus coûteux, des prix du logement qui flambent et un réchauffement climatique de plus en plus tangible, alimenté par la pollution générée par leurs aînés.

Pour Tom Hirschl, professeur de sociologie à l'université Cornell, derrière "OK boomer", une image s'impose: celle de la Suédoise Greta Thunberg, membre de la Génération Z du haut de ses 16 ans, qui a poussé des centaines de milliers de jeunes à manifester pour le climat à travers le monde, mais est régulièrement raillée par des gens plus âgés, sur Twitter notamment.

- Une insulte? -

Si l'étudiante Nina Kasman juge que l'expression "OK boomer" n'est pas agressive, tout le monde n'est pas d'accord.

William Shatner, acteur de la série Star Trek aujourd'hui âgé de 88 ans, l'a qualifiée d'"insulte infantile" quand quelqu'un lui a adressée sur Twitter.

Et un animateur de radio, Bob Lonsderry, a été très critiqué pour avoir comparé l'expression à une insulte anti-vieux.

Si "les conflits entre générations sont naturels", souligne Tom Hirschl, les sujets de contestation actuels sont particulièrement "graves: inégalités économiques croissantes et changement climatique, deux menaces existentielles".

"On peut juste lancer ça, ça a une valeur symbolique. Mais le contexte sous-jacent est profond", dit ce professeur de 65 ans, qui enseigne à des centaines d'étudiants et se prépare à ce qu'on lui envoie un "OK boomer" dans les dents incessamment.

L'expression va-t-elle perdurer?

Rien n'est moins sûr. "Très souvent, quand les médias traditionnels s'emparent d'une expression populaire chez les jeunes, sa fin est proche", souligne le linguiste Ben Zimmer.

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