Accueil Actu

"Si je te raconte, tu pleures": le berceau d'Hugo Chavez se morfond

Des rues quasi désertes et des commerces aux rideaux baissés entourent l'imposante statue d'Hugo Chavez à Sabaneta, le berceau de l'initiateur de la "révolution bolivarienne". Transformée par le gouvernement en lieu de culte, la ville n'échappe pas à la crise vénézuélienne.

A quelques semaines du 20e anniversaire de l'arrivée au pouvoir du défunt "Comandante", le 2 février 1999, entre la nostalgie et l'admiration des habitants, le mécontentement est palpable.

"Si je te raconte, tu pleures mon gars. Ici, à Sabaneta, la situation est terrible", déclare à l'AFP José Pacheco, 42 ans, avant d’égrener une litanie de problèmes: inflation débridée (attendue à 10.000.000% en 2019, selon le FMI), pénurie d'aliments et de médicaments et l'effondrement des services comme le gaz et l'électricité.

Il parle de Chavez comme d'une "grand leader" mais se sent abandonné dans cette ville de 28.000 habitants de l'Etat de Barinas (ouest).

"Ca me fait mal de voir souffrir mon peuple de cette façon. Les familles qui ne trouvent rien en bavent, et si elles y arrivent, un jour le prix est de tant, et le lendemain ça change", ajoute-t-il.

Avec de la résine de goudron, José rebouche les trous des pneus dans la station de lavage de voitures où il travaille, à côté du monument de six mètres de haut à la gloire d'Hugo Chavez, représenté debout, le point gauche levé. Au pied de la statue, des scènes retracent son enfance.

Elle a été donnée par le groupe pétrolier russe Rosneft à la demande du président russe, Vladimir Poutine.

Le portrait de l'ancien dirigeant, décédé d'un cancer en 2013, est visible sur des dizaines de fresques qui rappellent les étapes marquantes de sa vie, comme le coup d'Etat manqué de 1992 ou le triomphe électoral de 1998.

Les nombreux commerces fermés soulignent les conséquences de la profonde crise qui secoue ce pays pétrolier depuis des années.

- "Commandant éternel" -

Le président socialiste Nicolas Maduro, désigné par Chavez avant de mourir comme son héritier, commencera le 10 janvier son second mandat de six ans. Sa réélection est contestée par l'opposition et non reconnue par les Etats-Unis, l'Union européenne et plusieurs pays d'Amérique latine.

"J'ai voté 16 fois pour Chavez et le chavisme, mais je ne voterai plus jamais pour ces gens-là. Il n'y a pas de nourriture, pas de gaz, pas d'électricité", se plaint Nelson Zapata, agriculteur de 42 ans.

Les manifestations sont monnaie courante. En mars, la statue a été attaquée avec des pierres et du matériel inflammable. Les traces sont encore visibles sur la plaque qui le célèbre comme l'"enfant illustre" de Sabaneta. Ici, le culte du "commandant éternel", comme l'appellent ses admirateurs, bat son plein.

Des bâtiments comme la maison où Hugo Chavez a vu le jour le 28 juillet 1954, font partie des étapes de la "route de la conscience", marquée par des panneaux.

Elle passe aussi par son ancienne école ou un vieil arbre où le héros de l'indépendance Simon Bolivar a campé. En adepte des symboles, c'est à cet endroit que l'ancien chef d'Etat a donné le coup d'envoi de sa dernière campagne électorale.

Malgré les problèmes, Mary Ramos veut, elle, rester fidèle à la révolution.

"Les gens se plaignent, s'indignent à cause du gaz, mais nous sommes en train d'avancer", juge cette femme de 56 ans, employée par la mairie pour nettoyer la place où trône Chavez, qu'elle considère comme "un père".

"Je ne lui jette pas la faute (au président Maduro), même si beaucoup de gens le font (...) Il nous a donné tout ce qu'il pouvait", fait valoir celle qui a reçu une maison du gouvernement après d'importantes coulées de boues meurtrières en 1999 dans l'Etat de Vargas (nord).

Il y a bien longtemps que la famille Chavez ne vit plus à Sabaneta. Les opposants assurent qu'elle possède de grandes exploitations agricoles.

Un peu plus loin dans la ville, Carmen Castellanos, maîtresse de 35 ans raconte que son mari fait partie des 2,3 millions de Vénézuéliens qui ont dû fuir la crise depuis 2015, selon l'ONU. Le peu d'argent qu'il envoie du Pérou "n'aide pas beaucoup".

À lire aussi

Sélectionné pour vous