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Greenpeace vient de dévoiler les deux tiers du fameux TTIP en cours de négociation: voici ce qu'il contient

L'ONG Greenpeace a publié ce lundi comme prévu à 11h00 les 248 pages de documents confidentiels du projet d'accord de libre-échange commercial entre l’Union européenne et les Etats-Unis, le fameux TTIP, que l'organisation a pu se procurer. "Avec ces documents, nous montrerons combien l'environnement, la sécurité alimentaire et le climat sont menacés", dénonce Greenpeace.

Depuis mi-2013, les Etats-Unis et l'Union européenne tentent de parvenir à un accord qui supprimerait les barrières commerciales et règlementaires mais qui rencontre des résistances croissantes dans la société civile et auprès des dirigeants politiques.

Selon Greenpeace Pays-Bas, qui s'est procuré les documents, ceux-ci représentent deux-tiers du texte du traité à l'ouverture en avril du 13e cycle de négociation et recouvrent 13 chapitres du traité, aussi appelé Tafta. Ces documents ont été publiés sur le site TTIP-Leaks.org à 11h00.

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La politique au service des multinationales, la santé et l’environnement reniés

Ces documents mettent en évidence le fait qu'il est question "d'un glissement gigantesque du pouvoir des citoyens vers les grandes entreprises". "Ces documents confirment ce que nous disons depuis longtemps", assure le directeur de l'unité européenne de Greenpeace, Jorgo Riss, cité dans un communiqué : "ce traité mettrait les intérêts des grandes entreprises au centre du processus de décision politique et législatif au détriment des enjeux environnementaux ou de santé publique".

Sur la base des documents, Greenpeace assure que le texte prévoit la suppression d'une règle permettant aux nations de "réguler le commerce" pour "protéger la vie, la santé des humains, des animaux et des plantes". Le commerce ne serait, de plus, pas soumis à des objectifs de réduction des émissions de CO2 et le "principe de précaution" est oublié, assure l'ONG.

Ce principe permet d'empêcher la distribution ou de retirer du marché des produits susceptibles d'être dangereux, même dans le cas où les données scientifique ne permettent pas une évaluation complète du risque.

D'après nos confrères de la télévision néerlandaise RTL Nieuws, ces documents portent sur une multitude d'aspects de la vie quotidienne. Il serait notamment prévu la possibilité d'importer des cosmétiques ayant nécessité des expérimentations animales, ce que l'Europe interdit actuellement. Le texte en négociation évoque aussi la possibilité pour les viticulteurs américains d'utiliser l'appellation protégée "champagne", actuellement réservée aux producteurs champenois.


Pour que les citoyens européens sachent

En publiant ces documents, Greenpeace espère permettre "enfin à des millions de citoyens de mieux comprendre ce qui se négocie en leur nom".

Après le cycle de discussions d'avril, les négociateurs américains et européens avaient affirmé qu'un "important travail" et des "concessions" étaient nécessaires afin de boucler l'accord en 2016, comme le souhaite le président américain Barack Obama.

Certains pays européens affichent de plus en plus leur scepticisme, en Allemagne et de plus en plus en France, et de moins en moins de monde y semble favorable des deux côtés de l'océan.

En Belgique, Ecolo (dont le refus du TTIP faisait déjà partie de son programme européen pour les dernières élections) et le PS se sont déjà prononcés contre ce traité. Hier encore, Elio Di Rupo rappelait à l’occasion du 1er mai qu’il est temps pour le politique de remettre les multinationales au pas : "Je le dis et je le redis avec force, pour les socialistes, c'est non à ces traités" que sont le CETA, avec le Canada, et le TTIP, avec les Etats-Unis, a clamé le président du PS. Du côté du cdH, Benoit Lutgen a plaidé samedi pour une consultation populaire à son sujet. Pour lui, le dialogue avec les "amis américains" est nécessaire, s'agissant de partenaires, mais il faut prendre le temps d'informer, d'organiser la concertation et le débat avant le choix tant son impact sera immense pour les agriculteurs, les entreprises, les indépendants, les consommateurs et les citoyens. A contrario, le MR s'est toujours déclaré en faveur d'un traité transatlantique négocié.

Greenpeace exige l'arrêt des négociations entre l'Union européenne et les Etats-Unis, dénonçant le fait que les deux parties mettraient "les intérêts des multinationales au-dessus de la protection des personnes et de l'environnement".


Des documents "vieux" qui montrent simplement les désaccords entre les deux parties

Une source diplomatique européenne a confirmé à l'AFP la véracité des documents. Mais précisé qu'ils étaient "vieux" et ne prenaient pas en compte certaines "évolutions importantes" des négociations. "C'est normal que dans des négociations (...) les deux parties aient des positions différentes", a commenté le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, confirmant cependant le "grand intérêt" de Berlin à la conclusion d'un accord.

La Commission européenne a elle regretté des "malentendus" après cette fuite et assuré que l'UE n'accepterait "jamais" d'abaisser son niveau de protection des consommateurs ou de l'environnement. "Aucun accord commercial de l'UE n'abaissera jamais notre niveau de protection des consommateurs, de sécurité alimentaire ou de protection de l'environnement", a affirmé sur son blog la commissaire Cecilia Malmström. "Les accords commerciaux ne changeront pas nos lois sur les OGM ou sur la façon de produire de la viande de boeuf en toute sécurité, ou sur la façon de protéger l'environnement", a-t-elle insisté.

"Je ne suis pas de celles qui vont abaisser les normes", a ajouté Mme Malmström, soulignant avant tout que les documents publiés par l'ONG Greenpeace "ne traduisent pas ce qui résultera de la négociation" en cours et regrettant donc "un certain nombre de malentendus". "Ils reflètent les positions de négociation de chaque partie, rien d'autre", estime Mme Malmström. "Et ce n'est une surprise pour personne qu'il y a des domaines où l'UE et les Etats-Unis ont des points de vue différents". "Dans certains domaines, où nous sommes encore trop éloignés les uns des autres dans la négociation,, il n'y aura tout simplement pas d'accord", a-t-elle encore déclaré. Et de marteler: "Un accord de l'UE ne peut changer la législation que pour la renforcer. Nous pouvons tomber d'accord avec un partenaire pour renforcer par rapport à auparavant les règles entourant la sécurité des médicaments, par exemple, mais pas pour les affaiblir". 

Et de fait, les négociateurs européens sont très mal à l'aise face au recours souhaité par les Etats-Unis à l'arbitrage pour trancher d'éventuels différents entre les Etats et des multinationales qui s'estimeraient lésées par une législation nationale. Dans le chapitre sur le sujet mis à disposition par Greenpeace, les deux parties ne sont même pas d'accord sur l'intitulé du premier article.

La Commission européenne publie des rapports sur des négociations - le dernier la semaine dernière - mais en termes très généraux. Les députés des pays européens ne peuvent consulter les documents afférents aux négociations que dans une "salle de lecture" hautement surveillée.  Pour arides et difficiles à interpréter qu'ils soient, les documents publiés par Greenpeace lèvent donc une partie du voile sur un mystère.

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