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A Bassora, les fans de foot irakiens veulent dépasser l'hostilité envers l'Arabie saoudite

Avec sa campagne sur internet "Les Verts, vous êtes chez vous" pour souhaiter la bienvenue en Irak à l'équipe saoudienne de football, Arkan Taqi a brisé un tabou dans sa ville de Bassora, frontalière de l'Iran.

"Il existe encore des sentiments hostiles entre Irakiens et Saoudiens mais ils se réduisent de plus en plus", explique à l'AFP Arkan Taqi, 26 ans, avant un match amical entre les deux sélections, mercredi, dans la grande ville du sud du pays, un évènement décrit comme "historique" en Irak.

La dizaine de jeunes impliqués avec Arkan dans sa campagne de bienvenue espère avoir "gagné la rue" et contribué à changer les mentalités locales envers le royaume sunnite, grand rival régional de l'Iran, chiite comme l'écrasante majorité des deux millions d'habitants de la deuxième ville irakienne.

Car le stade de Bassora, bien plus qu'une aire de jeu, a pris ces derniers jours des airs d'arène politique et diplomatique.

En accueillant une équipe qualifiée pour le Mondial-2018, l'Irak entend en effet asseoir son récent rapprochement diplomatique avec Ryad mais aussi, et surtout, convaincre la Fédération internationale de football (Fifa) que le pays, ensanglanté depuis des années par des conflits et des violences, peut de nouveau accueillir des matches officiels.

Seule déception, le président de la Fédération internationale de football (Fifa) Gianni Infantino, bien qu'invité, n'assistera pas au match, selon un porte-parole de la Fifa à Genève.

La Fifa doit décider en mars de lever ou non l'interdiction faite à l'Irak d'accueillir des rencontres internationales comptant pour des compétitions officielles.

Aux abords du stade de Bassora, une grande arène moderne d'un blanc éclatant et à l'architecture inspirée de l'arbre national, le palmier, des forces de sécurité sont stationnées pour sécuriser cette rencontre capitale.

Des officiels de plusieurs fédérations régionales et nationales voisines sont attendus pour le match.

- 'Un rêve' -

L'Irak tente de revenir sur la scène internationale comme le "vainqueur" du groupe jihadiste Etat islamique, qu'il a fini de chasser de tous ses centres urbains l'an dernier, et une décision favorable de la Fifa serait un pas important en ce sens.

Dans les rues de la grande ville portuaire, aucun drapeau saoudien ne flotte, vieille rivalité oblige.

Ryad a en effet été en première ligne contre l'invasion par Saddam Hussein du Koweït, a participé à la coalition internationale pour le déloger et a appuyé les sanctions et l'embargo international contre Bagdad.

Mais autour du stade, d'immenses panneaux souhaitent quand même la bienvenue aux "Verts" et les autorités locales ont annoncé qu'elles allaient distribuer des centaines de drapeaux saoudiens avant le match.

Sur internet, des millions d'Irakiens et de Saoudiens ont déjà interagi, sous l'impulsion d'Arkan Taqi et de ses amis, avec un hashtag spécialement créé pour l'occasion.

Des agences de voyage irakiennes ont aussi concocté des voyages à Bassora mêlant sport et tourisme, à prix cassés, pour remplir les quelque 60.000 places de l'enceinte.

Ammar Kitan, 56 ans, employé municipal, entend bien soutenir son équipe nationale, qu'il regarde s'entraîner sous un soleil déjà vigoureux. "Pour nous, voir des équipes arabes jouer à Bassora était un rêve", confie-t-il à l'AFP.

Et ce rêve qui se réalise "n'est pas seulement important pour la ville, il l'est pour tout l'Irak", renchérit Ahmed Massoud, étudiant de 25 ans. "Ce match contre une équipe qualifiée pour la Coupe du monde va permettre de lever l'interdiction (de la Fifa) et prouver que la ville est sûre", dit-il.

Sur la pelouse du stade, vêtu de la tenue de l'équipe irakienne, Ali Faëz assure aussi que "pour nous, les joueurs, évoluer devant son public est très important".

Pour ce défenseur de 24 ans, "le match contre l'Arabie est crucial à plus d'un titre". Il s'agit de persuader la Fifa de "lever l'interdiction imposée à nos stades" mais aussi "d'améliorer l'image de l'équipe" et du pays.

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