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A Bordeaux, inquiétudes pour des migrants à la rue après l'expulsion de squats

A Bordeaux, où le mercure devait dépasser les 40° mardi, plusieurs associations sonnent l'alerte sur la situation des migrants "mis à la rue" selon elles par la préfecture, lors de récentes expulsions de squats.

"Vous avez remis plus de 300 personnes à la rue": dans un récent courrier, Médecins du monde (MDM)-Aquitaine et une trentaine d'organisations ont interpellé la préfète de Gironde qui a entrepris d'évacuer nombre de squats, alors que Bordeaux pourrait battre mardi son record absolu de chaleur (40,7 degrés en 2003).

"C'était une de mes surprises en arrivant (en mars): 150 squats en Gironde, dont 90% sur la métropole bordelaise, avec un total de 1.500 occupants", a expliqué la semaine dernière Fabienne Buccio.

"Je veux en démanteler le plus (grand nombre) possible", a martelé la préfète qui occupait cette fonction dans le Pas-de-Calais lors du démantèlement de la fameuse "jungle" de Calais en 2017. "Franchement, j'ai trop vu de choses à Calais, je sais que (l'évacuation) c'est la solution", dit-elle.

Depuis mai, quatre squats ont été évacués dans l'agglomération bordelaise, trois en juillet, dont un mardi matin encore.

"On a une solution (d'hébergement ou de relogement) pour chacune des personnes. Je n'évacue pas un squat si je n'ai pas de solution derrière", assure Mme Buccio.

Certains migrants refusent la solution proposée: ils préfèrent rester en groupe ou ne pas s'éloigner de Bordeaux.

"Nous réfutons le fait que tous les demandeurs d'asile ont reçu une proposition de relogement", assure pourtant Aude Saldana-Cazenave, coordinatrice régionale de MDM, qui regrette que la préfète "n'ait pas procédé à un vrai diagnostic social" avant de passer à l'action.

Jean-François Puech, de l'association Ovale citoyen, parle de "150 personnes" en détresse, sans réelle option de logement, à la suite de ces expulsions. Parmi elles, nombre de migrants venus d'Afrique subsaharienne.

Dans le hall sombre de la Bourse du Travail, vieux bâtiment municipal géré par la CGT, ils sont une cinquantaine à dormir chaque nuit, dont un nourrisson et 13 enfants selon le syndicat. A l'intérieur, des matelas jonchent le sol. Trois toilettes, pas de douche. Et un chantier de ravalement dans la cour, interdit au public, mais n'importe qui peut pousser la porte et s'exposer au danger.

"Ce ne sont pas des conditions dignes, les pouvoirs publics doivent prendre leur responsabilités mais la préfète est hermétique au dialogue", accuse un responsable CGTiste. Le syndicat dénonce à la fois un "drame humain" et le "zèle" de Mme Buccio.

-"Propres et hydratés", mais pas pérenne-

Pour douche et repas, ces migrants ex-squatteurs vont à l'Athénée libertaire, un étroit local à vocation culturelle donnant sur une petite cour au détour d'une ruelle du vieux Bordeaux. Là, bénévoles et militants se démènent pour eux et veillent notamment à ce qu'ils restent "propres et hydratés". Ils préparent une centaine de repas par jour, tandis que les migrants sont invités à nettoyer, faire de menues tâches. Malgré la promiscuité, tout se passe sans problème, disent des bénévoles, mais il ne s'agit pas d'une solution pérenne.

Philipp, Ghanéen de 27 ans, est l'un des rares à vouloir parler. Il assure qu'il était en danger dans son pays, qu'il est arrivé à Bordeaux l'an dernier après un long périple via Libye et Italie, que sa demande d'asile a été rejetée et qu'il a été expulsé d'un squat, mais ne veut pas voler pour vivre.

"Je dors dans la rue, je peux vous montrer", dit-il. "Je tourne en rond, c'est tout. Je travaille bénévolement deux fois par semaine et j'apprends le français". "La France a bonne réputation dans le monde mais si elle ne veut plus recevoir de migrants, il faut qu'elle le dise haut et fort", juge Philipp. "Car on souffre ici".

Mardi matin, la préfecture a procédé à l'évacuation d'un nouveau squat, dans un immeuble d'un quartier chic du centre, qui avait fait l'objet d'un arrêté municipal mi-juillet pour "péril grave et imminent", en raison notamment des très mauvaises conditions d'hygiène dégradées, du risque de prolifération de nuisibles et germes, du risque incendie. Les quatre occupants, se déclarant mineurs de nationalité algérienne ou marocaine, ont été confiés au Service d’accueil et d’évaluation des mineurs non accompagnés (SAEMNA), relevant du département.

Concernant le risque canicule de personnes à la rue, la préfecture a indiqué mardi que les maraudes du SAMU social avaient rencontré dans la nuit 45 personnes dans les rues de l'agglomération bordelaise. "Une solution de mise à l'abri leur a été proposée. 20 l'ont acceptée", précisé la préfecture.

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