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A Charleville-Mézières, l'"amertume" des habitants après les tags racistes visant la mosquée

Entre tristesse et colère, des habitants de Charleville-Mézières (Ardennes) dénoncent le climat ambiant qui a, selon eux, favorisé l'apparition de tags "racistes" à deux reprises en moins d'une semaine sur les murs du chantier de la nouvelle mosquée de la ville.

"Il y a cette ambiance, au niveau national, comme si on autorisait à déverser sa haine", confie à l'AFP Saayda, mère de famille de 37 ans, dans les locaux de l'association musulmane de la ville.

Elle déplore les croix gammées et les insultes inscrites sur le site de la mosquée en construction en bordure de la commune. Découvertes jeudi, ces inscriptions ont été effacées par les services municipaux, avant d'être reproduites dimanche.

"Ce qui s'est passé, je me dis que c'est une conséquence de la stigmatisation d'une partie de la population, tellement ça monte", poursuit cette musulmane pratiquante, titulaire d'un master de droit. "Ca ne m'étonne même plus, c'est presque comme si ça avait été autorisé".

Elle fait référence aux nombreuses polémiques qui se sont succédé depuis quelques semaines autour de l'islam, notamment après l'attaque à la préfecture de Paris, ou sur la question du port du voile des accompagnatrices de sorties scolaires, largement commentée dans les médias.

Un contexte également pointé du doigt par certains riverains. "C'est dans l'agressivité du temps", juge Noëlle Lambert, secrétaire de 49 ans, qui fait part de son "amertume" . "La tolérance, l'ouverture... je trouve que ça disparaît".

"Moi, j’ai 87 ans, j’ai connu la guerre de 40, donc les croix gammées, je sais ce que c’est", s'énerve Georges, qui habite la ville voisine de Villers-Semeuse et passe quotidiennement devant le chantier de la mosquée. "Ça me fout en colère. Il y a de la honte aussi, de voir qu’il y a des gens qui font des choses pareilles".

- "Des jours meilleurs" -

Lahcen Zouitane, président de l'"Association de la mosquée et du centre culturel des Ardennes", se montre lui très réticent à évoquer ce qu'il appelle des "dérapages". "Ca nous rend tristes", concède-t-il à peine. "On espère des jours meilleurs".

Il préfère mettre en avant les "excellentes relations" que son association entretient avec ses différents interlocuteurs. "Dans les Ardennes, on est tranquille, on n'a jamais eu de soucis avec les voisins, avec les autorités, ça se passe très bien".

Mais, pour certains habitants, le chantier de la mosquée a généré des tensions dans la zone résidentielle qui l'entoure. Depuis la pose de la première pierre, en novembre 2011, il a été la cible d'actes de malveillance à "six ou huit reprises", selon M. Zouitane.

La construction de l'ouvrage, qui représente un budget de 4,5 millions d'euros, progresse lentement, en fonction des dons adressés par les fidèles, unique source de financement.

"On va poser les fenêtres, je suis sûr qu'ils vont venir casser si on ne met pas des grilles de protection", s'inquiète le chef de chantier qui se souvient avoir déjà été pris à partie par des passants. "Là, on va faire les enduits, ça va être très beau, mais s'ils font un tag là-dessus, je ne sais pas comment on pourra les rattraper".

Pour éviter toute nouvelle dégradation, les autorités ont pris des mesures : une caméra de vidéo-surveillance a été installée et les patrouilles de police se font régulières.

- "Racisme +ordinaire+" -

"Ce sont des inscriptions racistes, injurieuses, haineuses. Les auteurs violent la loi, ils méritent d'être poursuivis et j'espère qu'ils seront interpellés", déclare Boris Ravignon, maire LR de la ville. "Quel que soit le contexte national, on est sur des faits qui ne doivent plus intervenir".

Ces actes sont de plus en plus fréquents, selon des chiffres du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF). En 2018 en France, "on a constaté 676 actes islamophobes, soit une augmentation de 52%" sur un an, affirme son président, Jawad Bachare.

Le ministère de l'Intérieur a lui comptabilisé 100 "actes antimusulmans" en 2018 mais il ne recense que les faits ayant donné lieu à plainte ou intervention de police. Une "sous-déclaration", selon la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, instance indépendante, qui pointe, dans son rapport 2018, une "dangereuse forme d’accoutumance au racisme +ordinaire+".

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