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A Koweït, l'Irak compte sur le secteur privé pour se reconstruire après l'EI

Le Koweït accueille du 12 au 14 février une conférence sur la reconstruction de l'Irak, qui compte sur les bailleurs internationaux mais surtout le secteur privé pour se relever de trois années d'occupation jihadiste.

Ravagé depuis les années 1980 par les guerres à répétition et un long embargo, notamment après l'invasion du Koweït en 1990, l'Irak a annoncé il y a deux mois la "fin" d'une nouvelle guerre, cette fois contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI), qui s'étaient emparés d'un tiers du pays à partir de 2014, menaçant son existence même.

Le chantier de la reconstruction de l'Irak, deuxième producteur de pétrole de l'Opep, est titanesque et coûtera 100 milliards de dollars, avait déclaré le Premier ministre Haider al-Abadi au Forum économique mondial de Davos fin janvier.

"C'est une somme d'argent énorme et nous savons bien que nous ne pouvons pas financer cela avec notre propre budget", grévé par la baisse des cours du brut et le long effort de guerre, avait-il affirmé. "C'est la raison pour laquelle il nous faut faire appel à des investissements. C'est l'unique moyen" de réunir de tels fonds qui représentent la moitié du PIB du pays, avait-il ajouté.

Les responsables irakiens présenteront leur immense chantier à Koweït, où selon le vice-ministre koweïtien des Affaires Étrangères, Khaled al-Jarallah, "plus de 2.000 compagnies et hommes d'affaires sont attendus".

Le deuxième jour de la conférence sera d'ailleurs entièrement dédié au secteur privé. Le premier donnera lui la parole aux organisations internationales tandis que le troisième sera consacré à l'annonce par les États participants du montant de leurs contributions financières.

Plutôt que de faire des "contributions directes", les Etats-Unis se sont "concentrés sur le secteur privé", a prévenu le département d'Etat américain.

Selon la même source, Washington a ainsi contribué, avec le concours de la Chambre de commerce américaine, à mettre sur pied une délégation de plus de 150 compagnies américaines pour la conférence de Koweït.

Bagdad a déjà multiplié les appels du pied aux investisseurs du monde entier. Il entend notamment miser sur ses réserves en hydrocarbures, dont une grande part n'est pas totalement exploitée.

- La tâche est énorme -

La tâche est énorme, dit aussi à l'AFP Peter Hawkins, le représentant de l'Unicef en Irak. "Tout le monde est concentré sur Mossoul" (nord), deuxième ville du pays qui fut un temps la "capitale" irakienne de l'EI et dont le centre historique n'est plus aujourd'hui qu'un immense tas de gravats. Mais "il ne faut pas oublier que d'autres provinces, comme Al-Anbar, Diyala, Salaheddine", ont aussi souffert des combats, plaide-t-il.

"L'habitat est le principal volet car 19% du total des destructions du pays concernent ce secteur", renchérit Erfan Ali, qui dirige le programme ONU-Habitat en Irak, où plus de 2,6 millions de personnes sont toujours déplacées. Selon le programme opérationnel spécialisé dans la recherche appliquée des solutions satellitaires (UNOSAT), plus de 26.000 habitations, dont plus de 17.000 à Mossoul, ont été détruites ou sérieusement abimées.

Et pendant que le conflit ravageait le nord du pays, le sud a fait les frais de coupes budgétaires drastiques, note M. Hawkins. Là-bas, certaines écoles "divisent l'accueil des élèves en deux ou trois plages horaires" par jour.

Pour reconstruire, réhabiliter ou relancer "la croissance économique et donc les services", explique-t-il, il faut faire venir le secteur privé pour redonner aux Irakiens, dont près du quart vivent avec moins de deux dollars par jour, un accès à "la santé, à l'éducation, à la sécurité sociale"...

- 'Transparence et responsabilité' -

Pour attirer les investisseurs privés, le Koweït et la Banque mondiale ont donné des gages. Afin de rassurer un secteur privé frileux à l'idée d'investir dans le dixième pays le plus corrompu au monde, "une plateforme de données sur la reconstruction qui garantit la transparence et la responsabilité" de tous a été mise en place, explique M. Ali.

La priorité à Koweït sera donc avant toute chose de "faire des plans et des analyses et de trouver des solutions" pour que le pays "reconstruise ses services et son mode de vie".

Il s'agit aussi, dans un Moyen-Orient déchiré par les conflits, de "maintenir l'Irak dans les priorités de l'agenda de la communauté internationale", affirme M. Hawkins. "L'aspect financier vient ensuite".

Mais à Bagdad, tous plaident pour ne pas laisser passer cet "événement historique", selon les mots de M. Ali, car, assure M. Hawkins, "investir dans les services, notamment l'éducation, aujourd'hui profitera au pays de façon astronomique, alors que ne pas le faire l'affectera de façon dramatique".

Le risque, dit-il, c'est une génération "perdue qui ne pourra contribuer ni à l'économie ni à la sécurité de l'Irak une fois devenue adulte".

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