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A Montpellier, la "mouvance anar" pointée du doigt après les incidents du 14 avril

Très présente à Montpellier, notamment dans plusieurs squats et lieux emblématiques, la "mouvance anar" a été pointée du doigt par les autorités après les incidents ayant émaillé une manifestation étudiante le 14 avril, un prétexte pour "criminaliser" les occupants de l'université Paul Valéry, selon ces derniers.

"C'est la première fois que l'on voyait une configuration +Black Bloc+ à Montpellier", avait souligné après la manifestation Jean-Michel Porez, chef de la sécurité publique de l'Hérault, évoquant des "jeunes toujours cagoulés et habillés de noirs (...) avec des marteaux, des techniques élaborées, des leaders qui sont là pour diriger la manoeuvre, des sacs à dos pour pouvoir se changer".

Le 14 avril, quelque 200 personnes habillées de couleur sombre et le visage caché avaient pris la tête d'une manifestation de "convergence des luttes" convoquée par la Coordination nationale des étudiants en lutte (CNL) dans une ville où l'université Paul Valéry était déjà occupée depuis plusieurs semaines par des opposants à la loi Vidal.

Derrière une banderole "MTP ACABlée" --une allusion au slogan anarchiste ACAB ("All cops are bastards", soit "Tous les flics sont des salauds")--, ces jeunes étaient vite entrés en confrontation directe avec les policiers avant de commettre des dégradations dans le centre-ville.

Pour le préfet Pierre Pouëssel, pas de doute: derrière les incidents, il y avait la "mouvance anar locale". La même, selon lui, dont la minorité violente s'illustre déjà lors du "Karnaval des gueux" de Mardi gras.

La manifestation née dans les années 1980--"une vieille coutume parfaitement inorganisée à la gloire des culottes sales, des haleines fortes, des sales mômes", comme la décrit ironiquement le site anarchiste local Le Poing-- est parfois le théâtre de débordements plutôt bon enfant, jusqu'en 2004, quand des incidents mettent aux prises "karnavaliers" et policiers.

Depuis, assure Le Poing, le Karnaval est systématiquement réprimé. Il est même interdit par arrêté préfectoral en 2018 --ce qui n'empêchera pas la fête anarcho-libertaire d'avoir lieu, au prix de nouveaux incidents qui ont fait quatre blessés chez les policiers.

- "Autogestion" -

A Montpellier, les idées anarcho-libertaires prospèrent plus particulièrement parmi les quelque 70.000 étudiants. Et, outre leur fête annuelle, elles ont leur bar, le Barricade, leur site internet, Le Poing, et leur librairie, La Mauvaise Réputation, en hommage à une grande figure libertaire locale, Georges Brassens, né à Sète.

Dans une ville aux logements rares et chers, nombre de jeunes activistes se forment ou se rencontrent dans des squats, notamment Le Royal, un cinéma abandonné transformé au coeur de la ville en lieu artistique et politique pendant près d'un an, de juin 2016 à l'expulsion de ses occupants en mai 2017.

Autre lieu de contestation locale, où l'anarchisme libertaire est présent depuis des décennies, l'université de Lettres Paul Valéry a été une des premières facultés de France occupée le 6 mai 1968. Et justement, aux yeux du préfet, les "200 casseurs" du 14 avril avaient "leur base" dans ce vaste campus à nouveau occupé dans le cadre du mouvement contre la loi Vidal.

De fait, dans l'Amphithéâtre A, de nombreuses inscriptions font allusion à l'anarchisme ou au zadisme: "Soutien à la Zad NDDL", "Insurrection", "Autogestion", "Police assassine"...

Pas question pour autant pour les étudiants qui occupaient toujours le site vendredi de laisser penser qu'ils sont derrière les incidents du 14 avril: "C'est une affirmation totalement mensongère qui vise à justifier une intervention policière (...) et criminaliser le mouvement", s'insurge Augustin, de Solidaires étudiants.

"Il n'y a jamais eu 200 +casseurs+ (le 14 avril), ni un +Black Bloc+ super pro", renchérit une étudiante de Paul Valéry. Selon une autre étudiante mobilisée, seuls une trentaine de militants de ce groupe "ont estimé qu'il était politiquement légitime, vue la répression de cette manifestation, de casser des vitrines qui symbolisent l'oppression capitaliste".

"Certains parmi nous se réclament des milieux anarchistes, libertaires, zadistes et antifascistes, d'autres sont communistes ou France Insoumise mais beaucoup d'autres sont en train de se former politiquement à travers ce mouvement (...) et nous sommes en grande majorité pacifistes", résume un étudiant du comité de mobilisation.

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