Accueil Actu

A Paris, des déclarations d'intentions pour "faire face au fanatisme", lors d'une conférence controversée

Condamnation de "l'islam politique", respect de la liberté de conscience: à Paris, des responsables de différents cultes et de la Ligue islamique mondiale (LIM) ont prononcé mardi des déclarations d'intention pour lutter contre l'extrémisme et le fanatisme, qui demandent désormais à être suivies d'"actes" concrets.

Un "memorandum d'entente et d'amitié" entre les trois religions monothéistes a été signé entre le grand rabbinat de France, le Conseil d'Eglises chrétiennes en France (catholiques, protestants et orthodoxes) et la Ligue islamique mondiale, dans lequel ces trois parties se sont engagées à "promouvoir la liberté de conscience et la liberté religieuse".

Un texte qui prévoit aussi que des délégations de ces trois parties se rendent "conjointement à Auschwitz au premier trimestre 2020 à l'occasion du 75e anniversaire de la libération des camps de la mort nazis".

"Une première", selon le président de la Fondation de l'Islam de France (FIF) Ghaleb Bencheikh, coorganisateur de la rencontre et "grand témoin" du suivi du texte, qui assure que cela sera l'occasion pour la Ligue islamique mondiale de "dénoncer le révisionnisme ambiant et l'antisémitisme".

Ces engagements, dont les progrès seront mesurés "au moins une fois par an", ont été pris à l'issue d'une journée de "conférence internationale pour la paix" qui a réuni des hauts dignitaires religieux de nombreux pays musulmans et des responsables français des cultes catholique, juif, protestant et orthodoxe.

Une rencontre qui, avant même son ouverture, avait suscité la controverse en raison de la présence de la LIM, souvent considérée comme le bras diplomatique du royaume saoudien et financé par ses pétrodollars, ainsi que comme un instrument de diffusion du wahhabisme, version saoudienne et très puritaine de l'islam.

Mohammed Al-Issa, son secrétaire général depuis 2016, a assuré à la tribune: "Nous soutenons totalement le contenu du discours du président français M. Macron en avril dernier quand il a parlé de +l'islam politique+ (...) Cet islam politique représente une menace et une (source de) division dans la société".

Il a assuré que la LIM avait "adopté une vision nouvelle pour faire face au fanatisme, à la violence, au terrorisme", en prenant "des initiatives et des programmes pratiques".

"Voilà un secrétaire général (qui) se rend compte des méfaits de l’extrémisme, du salafisme, de la doctrine wahhabite. Il veut le faire savoir.(...) Je serais irresponsable, si je ne (prenais) pas cela au mot", a déclaré M. Bencheikh, appelant à l'accompagner "dans cette évolution".

- "Etape essentielle"

Devant la presse, il a assuré qu'il n'y avait "pas la moindre dotation de la LIM" à sa fondation, dont il a reconnu que les moyens étaient "malheureusement epsilonesques".

Animateur d'émissions sur l'islam à la radio, M. Bencheikh a pris la tête de la FIF, une instance laïque, il y a dix mois à la suite de Jean-Pierre Chevènement. Son organisation a pour objectif de lever des financements pour des projets en matière profane, destinés à mieux faire connaître religion et civilisation musulmanes.

"L'évolution du discours (du secrétaire de la MIL, ndlr) est déjà une étape essentielle", commentait dans l'après-midi le grand imam de la mosquée de Bordeaux Tareq Oubrou. "Est-ce que les actes vont suivre ?", s'est-il interrogé.

Dans la matinée, le grand rabbin de France Haïm Korsia avait demandé aux musulmans de sortir de "l'interprétation (...) archaïque et ancienne" des textes religieux faite par "certains". "Chers amis musulmans, (...) peut-être serait-il temps de rouvrir la porte de l'+ichtihad+ (interprétation, ndlr), la porte (...) de la contextualisation", a-t-il lancé.

Aux abords du palais Brongnard, une vingtaine de manifestants ont dénoncé la rencontre. Parmi eux, l'ex-journaliste de Charlie Hebdo Zineb El Rhazoui a fustigé le fait que M. Al-Issa, "l'auteur de la condamnation" à des coups de fouet et à dix ans de prison de Raïf Badawi, un blogeur saoudien emprisonné pour "insulte" à l'islam, "vienne nous apprendre la tolérance et la paix !"

Dans une tribune à Marianne, l'islamologue Razika Adnani, pourtant membre du conseil d'orientation de la FIF, a vu dans cette conférence "une absurdité". Selon elle le discours de M. Al-Issa reste "fidèle à la doctrine salafiste", "n’apprend rien de nouveau aux musulmans" et "n’apporte aucune solution concrète au problème du fondamentalisme".

À lire aussi

Sélectionné pour vous