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A Rennes 2, une épicerie gratuite contre la sous-nutrition et le gaspillage

"Trop bien, cette flammekueche va me faire deux repas !". Au milieu de Rennes 2, qui compte plus de 40% d'étudiants boursiers, une épicerie gratuite offre chaque lundi soir des produits frais aux étudiants, avec comme ambition de lutter contre la précarité et le gaspillage alimentaire.

"Apparemment, on est les pionniers car il y a des épiceries solidaires mais pas d'épicerie gratuite", explique Hélène Bougaud, étudiante en master d'urbanisme et présidente de l'association qui gère le projet.

Dès 9h30, cinq étudiantes de "l'assoc" se retrouvent sur le campus. Avec leurs petites voitures, elles filent vers un Leclerc Drive à une quinzaine de kilomètres pour récupérer les invendus.

A la force du poignet, elles remplissent des caisses de quatre-quarts, de pâtes mais aussi de saumon ou de tarama - aucun produit n'est périmé - et remplissent leur véhicule à ras bord. "J'ai cours à 10h45, faut se dépêcher !", lance à ses copine Kaja, en 3e année d'italien.

De retour à la fac, elles déchargent les caisses de nourriture dans deux salles situées au rez-de-chaussée d'un bâtiment, au milieu de ce vaste campus qui accueille 24.000 étudiants, construit en dehors du centre-ville après mai 1968.

Il faut stocker et organiser avec soin les quelque 400 kg de denrées dont certaines ont aussi été récupérées à la fin des marchés. Car lors des précédentes "distrib", il y avait foule...

La trentaine de bénévoles ont constaté de visu que leur projet répondait à une nécessité: beaucoup d'étudiants peinent à se nourrir. Selon une étude réalisée en 2018 par l'Audiar (agence de développement de Rennes), "près d'un étudiant sur cinq affirme connaître des difficultés pour s'alimenter régulièrement".

- Changer "des pâtes et du riz" -

Le président de Rennes 2 Olivier David a constaté lui aussi "l'accélération de la précarisation", peut-être parce que les étudiants "sont moins encadrés par des mécanismes de solidarité familiale" et en raison des effets de la démocratisation de l'enseignement supérieur. Son université a ainsi connu une augmentation de 16% de ses effectifs entre 2009 et 2015, avec comme conséquence des plannings laissant parfois moins d’une heure pour déjeuner.

Et même en proposant des repas à 3,50 euros, le restaurant universitaire est hors de portée de certains étudiants, qui disent disposer d'un budget de seulement 40 euros par mois pour l'alimentation...

Dès 17H00, une heure avant l'ouverture de la "distrib", une longue file d'étudiants s'est déjà dessinée dans le long couloir, certains patientant en improvisant par terre une partie de belote contrée.

"Je préfère attendre une heure pour être servi plutôt que d'avoir faim", explique Rozenn Guilvic, 18 ans, étudiante en Arts plastiques. "Ça permet de tenir quelques jours par semaine et on lutte contre le gaspillage alimentaire en mangeant !".

Jean-Charles, l'allure frêle, "en a marre de manger tout le temps des pâtes et du riz". Dès qu'il peut, cet étudiant en arts du spectacle va faire les fins de marché "pour prendre quelques légumes".

Une fois à l'intérieur des deux petites salles, chacun peut prendre un produit par type de catégorie. Les étudiants en ressortent le sourire aux lèvres avec des cartons bien garnis, constitués de produits frais.

"Ça permet de varier un peu notre alimentation: depuis le début de l'année je n'ai jamais mangé de poissons, je prends surtout des soupes. Là, j'ai deux filets de poulets, je vais pourvoir manger de la viande ce soir! ", s'enthousiasme Emma, étudiante en Sciences de l'Education.

Environ 200 personnes sont venues lundi "à la distrib". Signe du succès, un partenariat est en voie de finalisation avec la mairie de Rennes pour distribuer les repas non consommés provenant de deux cantines scolaires de la ville et ouvrir ainsi l'épicerie gratuite trois jours supplémentaires.

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