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Accusations de viol au "36": les deux policiers acquittés en appel

Coup de théâtre dans l'affaire du 36 quai des Orfèvres: la cour d'assises du Val-de-Marne a acquitté en appel vendredi les deux policiers accusés du viol d'une touriste canadienne en 2014 au siège d'alors de la PJ parisienne.

Trois ans après leur condamnation en première instance à Paris à sept ans de prison, Antoine Quirin, 43 ans, et Nicolas Redouane, 52 ans, ont donc été déclarés innocents du viol d'Emily Spanton, 42 ans, et sont ressortis libres du palais de justice de Créteil.

Dans la salle d'audience, cet acquittement a été accueilli par les applaudissements des proches des deux accusés, tandis que la plaignante a quitté le tribunal en larmes.

La cour d'assises a notamment motivé sa décision par les "nombreuses incertitudes, imprécisions" voire "plusieurs mensonges" de la plaignante, suivant ainsi les avocats de la défense qui avaient pointé du doigt les déclarations "évolutives" ou les "mensonges" d'Emily Spanton.

"C'était un combat très dur, une audience très éprouvante. C'était difficile dans le contexte actuel de faire passer le message que lorsqu'on porte des accusations, elles doivent être établies et étayées", a réagi auprès de l'AFP Me Pascal Garbarini, un des avocats de M. Redouane.

"Ce qui a énormément joué, je pense, dans la décision, c'est l'incohérence de Mme Spanton, qui à la fois se constitue partie civile et, en même temps, refuse de donner des explications sur les faits qu'elle dénonce", a-t-il ajouté.

"Je suis absolument satisfaite du résultat, après huit ans d'enfer mon client est enfin soulagé", a déclaré pour sa part Me Anne-Laure Compoint, une des avocates de M. Quirin.

- Débats éprouvants -

Mercredi, le ministère public avait requis sept ans de prison contre ces deux anciens agents de la prestigieuse BRI (Brigade de recherche et d'intervention), qui n'avaient cessé de clamer leur innocence depuis le début de l'affaire.

Lors de la soirée du 22 avril 2014, Emily Spanton, en visite à Paris, avait fait la rencontre de plusieurs policiers dans un pub irlandais situé en face du célèbre 36, quai des Orfèvres, alors le siège de la police judiciaire de la capitale.

Alors que l'ambiance était au flirt, les agents avaient proposé une visite de leurs locaux à Mme Spanton, très alcoolisée ce soir-là. Elle en était ressortie en état de choc, en dénonçant un viol en réunion.

Pendant trois semaines de débats éprouvantes, la cour et les parties se sont attelées à déterminer précisément ce qu'il s'était passé pendant environ une heure cette soirée-là, après le départ du pub.

La reconstitution chronologique, a estimé la cour, "ne permet pas de déclarer cohérentes l'existence de multiples scènes sexuelles successives" telles que décrites par la plaignante dans les locaux de la BRI "dans un temps nécessairement limité".

Antoine Quirin expliquait avoir pénétré digitalement - et de manière consentie - Emily Spanton dans la voiture qu'il conduisait pour la ramener au "36".

Nicolas Redouane, lui, déclarait que la touriste lui avait fait une fellation, toujours consentie, avant qu'elle ne se "vexe" en raison d'une panne sexuelle de sa part.

- "Forcer le trait" -

Emily Spanton a nié l'existence de ces rapports et expliqué avoir été violée par trois ou quatre hommes, dont les deux accusés, dans leurs bureaux.

Les versions des uns et des autres ont évolué au fil du temps et des déclarations, les deux hommes expliquant avoir eu peur que leurs affaires extra-conjugales soient médiatisées.

Lors de son passage à la barre il y a deux semaines, Emily Spanton a expliqué ses incohérences par son alcoolisation ce soir-là et le travail thérapeutique qu'elle mène pour "oublier" les faits qu'elle décrit.

Mais, dans sa feuille de motivation, la cour a reproché à la plaignante d'avoir "ajouté ou retranché parfois des éléments" à la scène décrite et argué qu'elle avait pu "souhaiter emporter la conviction en forçant le trait".

Emily Spanton, qui était "avenante, alcoolisée et paraissait séduite par Nicolas Redouane", écrit également la cour, n'a pas "expliqué" comment ce dernier, "après une soirée de flirt, aurait forcé l'ouverture de sa bouche et sorti son sexe, alors que l'on peut supposer ces gestes brutaux et marquants".

"Le doute bénéficie aux accusés, c'est l'application de la loi pénale", a réagi auprès de l'AFP Me Mario Stasi, un des avocats de la partie civile.

Cette décision marque probablement la fin d'une longue épopée judiciaire. Les deux policiers avaient d'abord bénéficié d'un non-lieu, avant que la chambre de l'instruction de la cour d'appel ne les renvoie devant les assises à Paris où ils avaient été condamnés en 2019.

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