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Tollé en Allemagne contre l'ambassadeur américain, accusé d'ingérence

Un membre du gouvernement allemand a accusé mardi le nouvel ambassadeur américain à Berlin d'ingérence dans les affaires intérieures et les partis de gauche ont réclamé le renvoi de ce fidèle de Donald Trump, mais Washington a défendu sa "liberté d'expression".

Richard Grenell "s'immisce dans nos affaires intérieures", a critiqué Peter Beyer, coordinateur des relations transatlantiques au sein du gouvernement d'Angela Merkel, dans un entretien à un journal régional, le Rheinische Post.

"Il devrait être attentif au fait que nous considérons ses débuts en tant qu'ambassadeur comme difficiles", a ajouté ce responsable conservateur, qui sera présent mercredi lors de la visite -prévue de longue date- du diplomate au ministère allemand des Affaires étrangères.

Richard Grenell est dans le collimateur pour avoir déclaré dimanche au site américain d'extrême droite Breitbart vouloir "soutenir" la droite dure en Europe. "Nous vivons un réveil de la majorité silencieuse, ceux qui rejettent les élites et leur bulle", a-t-il ensuite précisé sur Twitter, jugeant que ce moment est "mené par Trump", tout en niant vouloir appuyer des partis ou candidats lors d'élections dans le Vieux Continent.

Le responsable social-démocrate Martin Schulz, ex-président du Parlement européen, a demandé mardi son renvoi pur et simple à Washington. "Si l'ambassadeur allemand à Washington disait qu'il était en poste pour renforcer le Parti démocrate, il serait immédiatement renvoyé", a-t-il dit à l'agence DPA, après avoir accusé sur Twitter M. Grenell d'agir comme "un officier colonial d'extrême droite".

L'une des figures de proue de la gauche radicale allemande, Sahra Wagenknecht, a également exigé le départ "immédiat" de l'ambassadeur, en poste depuis seulement un mois.

- "Opinion" -

"Les ambassadeurs ont le droit d'exprimer leur opinion", s'est bornée à répondre la porte-parole de la diplomatie américaine Heather Nauert, pressée de questions à Washington sur les déclarations de Richard Grenell. "Il y a parfois des opinions que l'on peut aimer ou pas. Et il y a aussi la liberté d'expression", a-t-elle ajouté.

"Je crois que l'ambassadeur Grenell n'a fait que souligner qu'il y a des partis et des candidats qui s'en sortent bien en Europe en ce moment, rien de plus", a poursuivi Heather Nauert.

Les critiques s'élèvent pourtant aussi dans le camp démocrate aux Etats-Unis.

Dans un communiqué, la sénatrice Jeanne Shaheen rappelle que les ambassadeurs "ne doivent pas se mêler de la politique locale ou régionale en soutenant des partis politiques, des candidats ou des causes. Si l'ambassadeur Grenell ne veut pas s'abstenir de déclarations politiques, il devrait être rappelé immédiatement".

Du coup, l'entretien inaugural de mercredi pour l'ambassadeur américain au ministère des Affaires étrangères, avec un secrétaire d'Etat, prend désormais des allures de convocation. "Nous aurons certainement des choses à nous dire", a prévenu le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas.

Berlin a déjà demandé lundi, suite à l'interview à Breitbart, "une clarification" à M. Grenell.

- Relations tendues -

Ce dernier est aussi accusé par ses détracteurs de se comporter en "vice-chancelier" allemand, en organisant des rencontres avec des dirigeants étrangers de premier plan de passage à Berlin: il a ainsi organisé lundi une entrevue avec Benjamin Netanyahu, en visite en Allemagne, qui sortait tout juste d'une rencontre avec Angela Merkel.

La chancelière allemande venait de réaffirmer sa volonté de maintenir en vie l'accord sur le nucléaire iranien, que rejette catégoriquement le Premier ministre israélien, soutenu par les Etats-Unis.

De même, l'ambassadeur a pris l'initiative d'inviter à déjeuner le 13 juin le chancelier autrichien Sebastian Kurz, qu'il a qualifié de "rockstar" et dit admirer. M. Kurz, à la tête d'une coalition avec l'extrême droite, a souvent critiqué dans le passé la politique migratoire généreuse de Mme Merkel.

Longtemps freinée par le Sénat américain, la nomination de cet ancien porte-parole de la mission américaine à l'ONU sous l'administration Bush est intervenue seulement fin avril. L'opposition démocrate lui reprochait notamment des tweets sexistes.

Ces accrocs n'aident pas à améliorer les relations déjà très tendues entre l'Allemagne et les Etats-Unis.

Le président américain critique régulièrement Berlin pour ses excédents commerciaux très importants et ses dépenses militaires trop faibles. Après l'acier et l'aluminium, l'Allemagne redoute prochainement l'imposition de taxes sur ses exportations vers les Etats-Unis de voitures, secteur-clé de son économie.

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