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Achat de votes à Corbeil-Essonnes: le parquet financier demande un procès

La perspective d'un procès se rapproche dans l'enquête sur les soupçons d'achats de votes à Corbeil-Essonnes: le parquet national financier (PNF) demande le renvoi en correctionnelle de huit personnes, dont l'actuel maire de cet ancien fief électoral de Serge Dassault.

L'ancien milliardaire avait été mis en examen dans cette affaire pour achats de votes, blanchiment et complicité de financement illicite de campagne électorale. Mais, étant décédé en 2018 à l'âge de 93 ans, l'action publique est éteinte à son encontre.

Outre Jean-Pierre Bechter, qui avait succédé à M. Dassault à la mairie à la suite de l'invalidation de sa réélection en 2008, deux ex-adjoints, Jacques Lebigre et Cristela de Oliveira, un comptable suisse proche de l'avionneur, Gérard Limat, et des intermédiaires présumés du système sont également sous la menace du procès voulu par le PNF, a-t-on appris jeudi de sources concordantes, confirmant une information de France Inter.

L'un de ces derniers, Mamadou Kébé, est décédé en janvier. Une source proche du dossier a expliqué à l'AFP que le parquet national financier avait tout de même requis son renvoi faute de pièce pouvant certifier sa mort. Sitôt celle-ci confirmée, l'action publique sera également éteinte à son encontre.

"Que de temps perdu ! Dix-huit mois après la fin de l'enquête, plus de 10 ans après les premiers faits... Quelle sera encore la valeur pédagogique d'un procès ?", a regretté Joseph Breham, un des avocats des parties civiles, une coalition d'élus et d'ex-élus opposants de M. Dassault.

Dans le réquisitoire définitif de 141 pages dont l'AFP a eu connaissance, daté du 22 février, le PNF relève qu'"il est possible de deviner dans l'entrelacs des faits un système cohérent, ayant pour but d'influencer le vote des électeurs".

"Dans tous les cas, la corruption du corps électoral reposait en dernier lieu sur la puissance financière de Serge Dassault", ajoute-t-il.

- Comptes occultes à l'étranger -

Les investigations, qui portaient sur les scrutins de 2009 et 2010 car la cour d'appel de Paris avait estimé les faits prescrits pour celui de 2008, ont permis de mettre au jour trois méthodes pour y parvenir: l'intermédiation d'un maire adjoint chargé de distribuer des fonds, des remises d'espèces alimentées par des comptes occultes à l'étranger et les retours en espèces de fonds envoyés au préalable à l'étranger.

Le PNF souhaite que M. Bechter soit jugé pour recel d'achats de votes et acceptation d'un don électoral au-delà du plafond autorisé, évalué à 7 millions d'euros de la part de Serge Dassault pour les municipales de 2009 -invalidées par le Conseil d'Etat- et 2010.

Pour M. Lebigre et Mme Oliveira, il réclame notamment un procès pour complicité d'achats de votes, complicité, recel et blanchiment de financement illicite de campagne électorale. S'y ajoutent pour cette dernière, le blanchiment de fraude fiscale et l'acceptation d'un don électoral au-delà du plafond autorisé.

Après plus de quatre ans d'enquête, les juges d'instruction avaient terminé leurs investigations en juillet 2017.

Serge Dassault avait vu ses déboires, démarrés avec l'invalidation de son élection en 2008, s'accélérer quand la cellule antiblanchiment de Bercy, Tracfin, avait transmis en 2010 au parquet une note sur des mouvements de fonds sur le compte de Jacques Lebigre.

L'ancienne troisième fortune française, dont la carrière politique s'est achevée en 2017 avec un poste de sénateur, avait toujours nié un scénario d'achats de voix, évoquant des dons ou se présentant comme victime d'extorsions de la part d'individus qui auraient voulu profiter de sa richesse.

Lors d'une perquisition au Clos des Pinsons, résidence et QG politique de Serge Dassault à Corbeil, deux listes avaient été retrouvées, avec plus d'une centaine de noms et des sommes sous des colonnes "payé" et "non payé" et des commentaires: "soutien sortie détention", "permis de conduire"...

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