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Afghanistan: l'ombre des talibans sur la campagne de la présidentielle du 28 septembre

Après des mois de querelles politiques et deux reports successifs, l'Afghanistan ouvre dimanche la campagne en vue de l'élection présidentielle du 28 septembre, sur laquelle planent déjà de lourdes menaces de violences et de fraudes électorales.

Dix-huit candidats, dont l'actuel président Ashraf Ghani, s'affronteront lors de ce scrutin décisif pour l'avenir d'un pays en guerre depuis des décennies.

- Quels sont les enjeux ?

Le scrutin intervient à un moment crucial. Les talibans ne participeront pas à l'élection, estimant pouvoir l'emporter sur le terrain face aux forces afghanes et leurs alliés américains.

Américains et talibans négocient parallèlement depuis des mois un plan de paix prévoyant un retrait des forces étrangères en échange de diverses garanties, notamment que l'Afghanistan ne servira pas de refuge à des groupes terroristes.

Washington, dont l'Afghanistan constitue le conflit le plus long de son histoire, après bientôt 18 ans de présence de ses troupes, pousse pour un accord d'ici au 1er septembre. Mais un tel calendrier paraît optimiste étant donnée la complexité des questions en jeu.

Le prochain président afghan devra donc à son tour trouver le moyen de composer avec les talibans, qui actuellement refusent obstinément de négocier avec le gouvernement, illégitime à leurs yeux.

Les contours d'un futur accord de paix demeurent flous. Il pourrait traiter de thèmes aussi variés que les droits des femmes, les libertés personnelles, voire la Constitution afghane elle-même.

De nombreux Afghans craignent un retour à la brutale férule talibane, voire un nouvel épisode de guerre civile.

L'Afghanistan fait par ailleurs face à d'énormes difficultés économiques et à une corruption endémique, mais ces thèmes risquent de rester à l'arrière-plan tant que la situation sécuritaire ne s'améliore pas.

- Quel processus ?

Si aucun candidat ne remporte de majorité lors du vote le 28 septembre, un deuxième tour devra être organisé, probablement fin novembre.

La tenue de l'élection reste toutefois encore incertaine à ce stade. Le scrutin a déjà été repoussé deux fois cette année. Un nouveau report pourrait provoquer de nouvelles tensions, les rivaux de M. Ghani goûtant peu le prolongement de facto de son mandat.

Selon les autorités, environ 9 millions de personnes se sont inscrites sur les listes électorales en vue du scrutin. Nombre d'inscrits sont soupçonnés d'être des électeurs fantômes.

Alors que la campagne n'a pas encore officiellement démarré, certains candidats ont déjà laissé planer des menaces de boycott, affirmant que le président Ghani abuse de sa position officielle pour pousser son avantage.

- Quels favoris ?

Face à M. Ghani figure notamment son propre chef de l'exécutif Abdullah Abdullah. Les deux hommes occupent leurs positions respectives depuis l'élection de 2014, entachée de graves soupçons de fraude, et qui avait donné lieu à un accord de partage du pouvoir mis sur pied sous l'égide des Etats-Unis.

M. Abdullah, également candidat malheureux en 2009 contre Hamid Karzaï, est né d'un père pachtoune et d'une mère tadjike, ce qui signifie qu'il peut en appeler à l'électorat de ces deux groupes, un atout de poids dans un Afghanistan très fracturé selon des lignes ethniques.

M. Ghani, qui est pachtoune, a de son côté mis un point d'honneur à diversifier son gouvernement, qui comprend des membres de tous les principaux groupes ethniques et des femmes. Selon les observateurs, il apparaît à ce stade comme le favori du scrutin.

Parmi les autres candidats de poids figure Mohammad Haneef Atmar, ancien conseiller à la sécurité nationale et ancien ministre de l'Intérieur.

La liste compte aussi Gulbuddin Hekmatyar, considéré comme un des chefs de guerre les plus cruels du pays pour avoir notamment bombardé Kaboul durant la guerre civile (1992-96) et Ahmad Wali Massoud, frère du légendaire combattant anti-soviétique et anti-taliban Ahmad Shah Massoud.

- Qu'en pensent les Afghans ?

Nombre d'entre eux ne se font guère d'illusions sur l'équité des élections et craignent qu'elles ne soient marquées par de violents attentats talibans ou d'autres groupes insurgés.

Les élections législatives d'octobre dernier avaient été très perturbées par de graves problèmes de logistique et des accusations de bourrage d'urnes.

"J'ai voté lors des deux élections précédentes mais nos bulletins n'ont pas été pris en compte. Cette fois je n'ai pas très envie de voter car le résultat va encore être manipulé", estime Mohammad Daud, jeune Afghan de 30 ans.

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