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Aimee Stephens prête à défendre les Américains transgenres devant la Cour suprême

"J'ai grandi dans une ferme, je n'ai pas peur de me salir un peu". Aimee Stephens sait qu'elle risque de prendre des coups, mais elle est déterminée à incarner la cause des salariés transgenres auprès de la Cour suprême des Etats-Unis.

Dans une semaine, le temple du droit américain examinera pour la première fois les droits de ces personnes qui, malgré une visibilité croissante, font encore l'objet de nombreuses discriminations, notamment au travail. Et le licenciement d'Aimee Stephens sera au coeur des débats.

Considérée comme un garçon à sa naissance il y a 58 ans, elle a ressenti sa différence dès l'âge de cinq ans. L'époque n'est toutefois pas propice aux questionnements identitaires et elle poursuit sa vie comme homme, se marie, et devient embaumeur dans une société de services funéraires.

En 2010, profondément déprimée, elle livre sa vérité à son épouse, qui l'accepte. Aimee Stephens commence alors à s'habiller en femme chez elle ou lors de petites sorties. Pour aller travailler, elle continue cependant d'enfiler un sombre costume d'homme.

"Je vivais deux vies, l'une au travail, l'autre à la maison, mais à un moment il m'est devenu impossible d'être deux personnes", a-t-elle expliqué lundi lors d'une conférence de presse dans le Michigan, près des Grands Lacs, où elle habite.

Son mal-être est tel qu'elle pense à se suicider. "Je me suis retrouvée dans mon jardin avec un pistolet sur la poitrine. Mais j'ai réalisé que je m'aimais trop pour disparaître".

Elle décide alors d'assumer pleinement son identité, commence à en parler à certains collègues. A l'été 2013, après avoir longuement pesé ses mots, elle rédige une lettre à son employeur pour lui expliquer la situation et réclamer un uniforme féminin.

- "Ça suffit" -

Quinze jours plus tard, la réponse arrive: "ça ne pourra pas marcher", écrit-il, en la renvoyant. Il lui propose trois mois de salaire si elle accepte de renoncer à tout recours en justice.

"Ça m'a fait mal", confie-t-elle. "Je suis rentrée chez moi, j'ai discuté avec ma femme et elle était d'accord avec moi pour dire que ce n'était pas juste, que l'on devait faire quelque chose."

Aimee saisit alors la justice. "Il était temps que quelqu'un se lève et dise ça suffit".

En première instance pourtant, un juge donne raison à son employeur, un fervent chrétien, au nom d'une loi qui protège les libertés religieuses.

Aimee peine à retrouver un emploi et finit par renoncer en raison d'une insuffisance rénale qui l'oblige à subir une dialyse trois fois par semaine. Sa situation financière se dégrade, son moral aussi.

Rebondissement en mars 2018: une cour d'appel estime que son licenciement viole la loi fédérale interdisant les discriminations dans le monde du travail.

Cette fois, c'est son employeur qui introduit un recours, auprès de la Cour suprême. Il invoque "sa liberté de conscience", mais aussi la nécessité "d'éviter tout ce qui peut déranger ses clients dans leur travail de deuil".

- Bataille -

Dans son combat, il reçoit le soutien de poids du gouvernement de Donald Trump. Le milliardaire républicain est déjà revenu sur plusieurs mesures protégeant les personnes transgenres, notamment sur la décision de son prédécesseur Barack Obama d'ouvrir l'armée aux soldats trans.

L'administration juge que la loi fédérale interdisant les discriminations "en raison du sexe" s'applique seulement au sexe "biologique" et pas à l'identité ou à l'orientation sexuelle. Avant d'entendre le dossier d'Aimee Stephens, la Cour suprême examinera d'ailleurs les licenciements de deux homosexuels.

Depuis l'arrivée de deux juges nommés par Donald Trump, cinq des neuf magistrats de la haute Cour sont des conservateurs et la bataille n'est pas gagnée pour Aimee et la communauté lesbienne, gay et transgenre.

"On ne demande pas un traitement de faveur, on veut juste avoir les mêmes droits que tout le monde", souligne Aimee, en rappelant que la déclaration d'indépendance des Etats-Unis garantit le droit de chacun "à la recherche du bonheur".

Mardi, elle sera donc à Washington pour suivre l'audience. Et elle espère bien y croiser son ancien employeur. "Il n'a jamais eu la chance de voir la femme que je suis...", lâche-t-elle.

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