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Alela Diane, mère enchanteuse

"Oh, elle va avoir un enfant, sa carrière est finie...": Alela Diane a entendu ce type de remarques lorsqu'elle cherchait un nouveau label, mais pas de quoi décourager la chanteuse folk américaine, désormais maman, qui revient en grâce avec l'album "Cusp".

Ce sixième album disponible vendredi, dont le titre signifie être à l'orée de quelque chose, est celui de la maternité à plus d'un titre pour la Californienne de 34 ans, qui l'a conçu entre les naissances de ses deux filles, Vera, 4 ans, et Oona, 11 mois.

La chanteuse, révélée en 2006 par son premier album "The Pirate's Gospel", sait à quel point ce bouleversement dans l'existence d'une femme peut aussi lui "être préjudiciable" professionnellement.

"Enceinte de Vera, je cherchais un nouveau label, raconte-t-elle. Du fait de ma grossesse, il apparaissait évident que certaines personnes n'étaient pas intéressées. C'est une réalité. C'est une discrimination dure à vivre."

"Cet argument comme quoi on ne pourrait pas être capable de tenir les engagements d'une tournée, ce n'est pas acceptable. Certes, les tournées seront moins longues, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y en aura pas", poursuit Alela Diane avec une détermination dans le regard qui tranche avec la douceur de sa voix.

"Une femme qui a des enfants s'éloigne de sa jeunesse. La fraîcheur la quitte. C'est difficile de poursuivre sa carrière dans l'industrie musicale quand on est mère de famille. Mais c'est possible", dit la trentenaire.

La preuve avec ce disque, "Cusp", prêt depuis un an mais qu'elle a pris le temps de sortir. "Au moment d'entamer le mixage, j'ai dû accoucher en urgence. Oona est venue au monde prématurée. La priorité était de s'occuper d'elle", éclaire-t-elle.

De passage à Paris début février pour en assurer la promotion, elle confie qu'il lui en coûte d'avoir laissé ses filles chez elle à Portland. La voilà qui expérimente la situation telle qu'elle redoutait de la vivre dans "Albatros", la chanson qui ouvre son album.

- Clip tendre et intime -

Quitter le foyer s'est parfois avéré nécessaire dans la gestation de ce nouveau disque. Après deux ans à s'occuper de Vera, elle est partie trois semaines en résidence artistique à Caldera. Loin de la civilisation, dans les montagnes de l'Oregon.

"La maternité est une chose intense, on y consacre tout son temps. J'avais vraiment besoin de me retrouver seule, pour mieux me focaliser sur mon travail, sans distraction. Ayant grandi à la campagne, je n'ai pas vraiment été perturbée par les conditions", confie l'artiste.

Un ongle de pouce cassé en déblayant de la neige l'empêchera de jouer de sa guitare: "Un accident heureux", sourit-elle. "Il y avait ce piano à l'accueil de la résidence. Du coup, j'y ai passé deux heures par jour et j'ai pu ainsi composer quelques chansons dessus." En résultent des perles délicates comme "Ether and Wood" ou "Moves us Blind".

La Californienne est allée au bout de sa démarche et de la thématique de "Cusp" en transposant en images l'intimité de ses mots, s'affichant avec Oona dans le tendre clip d'"Emigré". Avec son titre en français, cette chanson sur le drame des réfugiés lui a été inspirée par la terrible photographie d'Aylan, cet enfant syrien échoué sans vie sur une plage turque en 2015.

Tout aussi belle et touchante, "Never Easy" évoque la relation complexe qui lie Alela Diane à sa propre mère.

"Ma maternité m'a permis de mieux comprendre certaines choses. Ma mère m'a souvent répété que j'étais une enfant difficile car je pleurais tout le temps. Ma fille aînée est comme ça. Et c'est très dur à gérer. J'ai longtemps mal jugé ma mère, je lui reprochais de ne pas prendre soin de moi. Quand Vera est née, j'ai ressenti pour la première fois de l'amour maternel. Et j'ai enfin compris que ma mère m'aimait plus que je ne l'aimais."

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