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Le pouvoir algérien tente de convaincre à la veille d'un vendredi test

Le pouvoir en Algérie tente, avec difficulté, de convaincre la rue du bien-fondé de la prolongation sine die du mandat du président Abdelaziz Bouteflika et de son plan de réformes, à la veille d'un vendredi décisif pour le mouvement de contestation populaire.

Le pays est le théâtre depuis le 22 février de manifestations contre M. Bouteflika, d'une ampleur inédite depuis son arrivée au pouvoir il y a 20 ans, déclenchées par sa décision de briguer un 5e mandat malgré une santé défaillante.

Sous la pression de la rue, le chef de l'Etat, 82 ans, a renoncé lundi à se présenter et reporté la présidentielle prévue initialement le 18 avril, prolongeant de fait son mandat actuel jusqu'à la fin d'une "Conférence nationale" chargée de réformer le pays et d'élaborer une nouvelle Constitution. Aucune date n'a été fixée pour cette conférence.

Jeudi, face à la presse, le nouveau Premier ministre Noureddine Bedoui -qui a remplacé lundi le très impopulaire Ahmed Ouyahia- et son vice-Premier ministre Ramtane Lamamra ont tenté de promouvoir les décisions du chef de l'Etat, qui n'ont pas calmé la colère.

- "Jeunes compétences" -

"Nous avons entendu le message de la jeunesse algérienne" et "les revendications de la rue" fixeront le cap du futur gouvernement, a assuré M. Bedoui.

Sa composition sera dévoilée "au plus tard la semaine prochaine" et il s'agira d'une équipe de "technocrates", puisant dans les "jeunes compétences, hommes et femmes", a-t-il précisé.

"La situation générale du pays est sensible et marquée parfois par des tensions ne permettant pas de parvenir à un consensus à même de répondre aux revendications" immédiatement, a argué M. Bedoui en ouvrant la conférence de presse.

"Il faut sortir de cette crise de manière calme et en veillant à la stabilité du pays", a-t-il poursuivi, en appelant à plusieurs reprises au "dialogue".

M. Bedoui, préfet de carrière jusqu'ici ministre de l'Intérieur -que le quotidien El Watan qualifiait il y a quelques mois de "ministre de la Répression"-, est souvent apparu à la peine pour répondre concrètement aux questions des journalistes.

Il a justifié par la "volonté du peuple" le report de la présidentielle et l'extension par le chef de l'Etat de son mandat -des décisions jugées illégales voire inconstitutionnelles par de nombreux observateurs.

Il n'a pas donné de date pour la future présidentielle à l'issue de laquelle M. Bouteflika s'est engagé à se retirer.

Il a simplement indiqué que le mandat du gouvernement, qui n'aura qu'un rôle "de soutien et d'appui" de la Conférence nationale, "ne dépassera pas une année", laissant entendre que la Conférence elle-même pourrait avoir fini ses travaux en un an, ce dont doutent de nombreux observateurs.

MM. Bedoui et Lamamra ont au final peiné à convaincre. "A quoi sert cette conférence de presse?", leur a demandé un journaliste: "vos réponses ont jusqu'ici été hors sujet, vous ne donnez pas l'impression de vouloir répondre aux questions (...) du peuple".

- Derby largement boycotté -

Les réactions ont également paru négatives sur les réseaux sociaux, où se multiplient les appels pour un 4e vendredi consécutif de grandes manifestations à travers le pays.

Cette journée-test, pour les contestataires comme pour le pouvoir, permettra de savoir si M. Bouteflika a réussi à apaiser la contestation qu'étudiants et universitaires, puis enseignants et lycéens, ont maintenu vivace en défilant en nombre mardi et mercredi.

Mercredi, M. Lamamra, chargé de "vendre" le "plan de travail" présidentiel à l'étranger selon les observateurs, avait vanté les mérites des annonces du chef de l'Etat.

Pour M. Bouteflika, "il ne s'agit pas de rester au pouvoir pendant quelques semaines ou quelques mois de plus", a-t-il assuré. "La priorité absolue est de réunir les Algériens et leur permettre d'aller ensemble vers un avenir meilleur".

Un autre ancien diplomate, Lakhdar Brahimi, réputé proche de M. Bouteflika, a défendu aussi les solutions proposées par le chef de l'Etat, prônant le "dialogue" et mettant en garde contre tout "changement radical".

Mais, selon le quotidien Liberté, ces "interventions médiatiques ont eu le mérite de confirmer le profond décalage entre les solutions (...) proposées par le régime et celles défendues par le peuple".

Dans ce contexte, le derby entre le Mouloudia et l'USM -clubs rivaux d'Alger-, avancé d'un jour pour ne pas coïncider avec les manifestations de vendredi, a été largement boycotté, en réponse à un appel aux supporteurs à ne pas assister à la rencontre en raison de craintes de violences qui pourraient mettre au pas la contestation.

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