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Angelo Assumpçao, le gymnaste qui a osé dénoncer le racisme au Brésil

"Sans le racisme, où en serait ma carrière?", se demande dans un entretien à l'AFP Angelo Assumpçao, gymnaste noir brésilien, dont la couleur de peau a été comparée à un sac poubelle.

À 24 ans, il rêve encore d'une médaille olympique, même si cela fait dix mois qu'il s'entraîne seul, dans son jardin.

En novembre 2019, ce jeune homme qui a grandi dans une banlieue pauvre de Sao Paulo a dû quitter le club de Pinheiros, où il évoluait depuis l'âge de huit ans.

Ce club huppé, fondé en 1899 et niché dans un quartier aisé de la mégalopole, dont il était la plupart du temps le seul Noir de la section gym, dit avoir rompu son contrat pour des questions de "performance" et de "comportement".

Mais Angelo Assumpçao assure que son exclusion est une forme de punition pour avoir dénoncé des discriminations raciales au sein du club.

Le racisme reste un fléau très présent au Brésil, dernier pays d'Amérique à avoir aboli l'esclavage, en 1888, et dont plus de la moitié de la population est noire ou métis.

- Dépression -

Et Angelo Assumpçao l'a ressenti plus que jamais à l'apogée de sa carrière.

En 2015, il décroche la médaille d'or en saut de cheval lors d'une étape de la Coupe du Monde chez lui, à Sao Paulo, après avoir remplacé au pied levé Arthur Nory, autre espoir de la gym brésilienne.

Quelques jours plus tard, Nory, qui est lui d'origine japonaise, publie sur les réseaux sociaux une vidéo sur laquelle il apparaît en train de faire des blagues racistes avec deux autres jeunes gymnastes devant Assumpçao, qui assiste à la scène l'air médusé.

"De quelle couleur sont les sacs de supermarché? Blancs! Et les sacs poubelle? Noirs!", peut-on entendre sur cette vidéo.

Ils ont fini par s'excuser et ont été suspendus un mois par la Fédération brésilienne de gymnastique.

Mais depuis cet événement, la carrière d'Angelo Assumpçao a périclité.

"Me comparer à des ordures, ça dépasse toutes les limites", confie-t-il à l'AFP.

"Être victime de racisme au Brésil, ça coûte cher, alors que la vie d'Arthur Nory a continué", poursuit-il.

Non qualifié pour les Jeux olympiques de Rio en 2016, Assumpçao y a vu son tourmenteur, Nory, remporter la médaille de bronze au sol.

À l'époque, il a félicité son ancien coéquipier, tout en lui conseillant d'être aussi "un champion en dehors du gymnase".

Aujourd'hui, Angelo Assumpçao révèle avoir sombré dans la dépression à cause de cet épisode de racisme, puis d'autres subis au sein du club de Pinheiros.

Dans un premier temps, il a préféré garder le silence.

"Je n'ai pas voulu porter plainte parce que j'avais peur que ça nuise à ma carrière", admet-il.

- "Esseulé" -

En 2019, Pinheiros, dont les membres ont remporté douze médailles olympiques à travers l'histoire, a réalisé un audit interne qui a identifié des "injures raciales" et des problèmes de "harcèlement moral", a révélé le site Globoesporte.com le mois dernier.

Mais le club a nié dans un communiqué à l'AFP que la rupture du contrat d'Assumpçao ait été motivée par des questions raciales.

Le jeune gymnaste dénonce pour sa part le "racisme structurel" au sein de l'institution.

Il raconte aussi que certains se moquaient de ses tresses, estimant qu'elles n'étaient pas dignes d'un sportif de haut niveau.

"Après mon départ de Pinheiros, j'ai cherché un autre club, sans succès. La gym est un milieu fermé et les gens parlent entre eux", souffle-t-il.

"J'ai aussi essayé de trouver un club à l'étranger, mais la pandémie est arrivée et j'ai dû me résoudre à m'entraîner chez moi".

Sans compétition depuis plus d'un an et sans contrat depuis dix mois, il survit grâce à l'aide de proches, qui ont créé une cagnotte en ligne pour lui venir en aide.

Il se dit "esseulé" dans son combat, les sportifs noirs brésiliens n'ayant pas le soutien des institutions ou des sponsors comme les stars de la NBA aux Etats-Unis, en première ligne dans le mouvement Black Lives Matter qui dénonce les injustices raciales.

Les problèmes de racisme dans le sport sont revenus au cœur du débat au Brésil avec l'affaire Neymar, qui a accusé le défenseur espagnol Alvaro Gonzalez de l'avoir traité de "singe" lors du sulfureux match PSG-OM de dimanche dernier.

"Ça montre que, même si on est un des meilleurs sportifs au monde, riche, reconnu, on est encore jugé sur la couleur de notre peau", regrette Angelo Assumpçao.

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