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Apple et Epic Games fourbissent leurs arguments avant un procès qui attaque le cœur de la pomme

La bataille entre Apple et Epic Games s'annonce féroce et le procès qui va opposer début mai le fabricant de l'iPhone à l'éditeur du jeu Fortnite sera suivi de près par de nombreuses entreprises et élus qui accusent Apple de pratiques anti-concurrentielles.

"Epic veut faire passer Apple pour le +méchant+ afin de relancer l'intérêt pour Fortnite, qui est en perte de vitesse", assènent les avocats de la firme de Cupertino en introduction d'un document de plus de 300 pages déposé mercredi soir au tribunal d'Oakland, en Californie.

Le groupe du très populaire jeu vidéo de survie, qui a remis un tout aussi long argumentaire à la cour, a intenté des poursuites en août contre Apple pour abus de position dominante sur son système d'exploitation mobile, iOS.

"Grâce à des moyens techniques et contractuels, Apple a construit l'écosystème iOS de façon à restreindre la distribution d'applications, exclure ses rivaux, nuire à la compétition et aux consommateurs", résume Epic Games. Son patron, Tim Sweeney, et celui d'Apple, Tim Cook, sont attendus en personne au procès.

L'été dernier, l'éditeur a essayé de contourner ce qu'il appelle la "taxe Apple" en offrant aux utilisateurs une alternative au système de paiement de l'App Store, la plateforme de téléchargement des applications sur iOS. Apple a immédiatement exclu le jeu de la plateforme pour rupture de contrat, une décision confortée par le tribunal.

- Marché fermé -

Mais l'affaire dépasse désormais la dispute entre les deux groupes. D'autres entreprises, comme Spotify, jugent trop élevées et déloyales, les commissions de 15 à 30% prélevées par Apple sur la plupart des transactions effectuées via l'App Store et les applications téléchargées.

Et différents régulateurs antitrust américains enquêtent sur les pratiques d'Apple, qui est de fait juge et partie sur l'App Store, puisqu'il y distribue aussi ses applications.

Sur d'autres appareils, le système d'Android (Google) fonctionne de façon similaire, à une différence majeure: les plateformes alternatives sont autorisées.

La plainte d'Epic Games menace donc le système au cœur de la stratégie d'Apple, qui incite le consommateur à rester au sein de sa galaxie de produits physiques et numériques, des iPhones aux accessoires connectés et à son offre de divertissement, entre autres.

Le groupe de Cupertino fait valoir depuis des années que sa commission, d'un niveau standard, sert à assurer le bon fonctionnement de la plateforme, notamment en termes de sécurité. Il estime que le succès de l'App Store bénéficie aussi bien aux utilisateurs qu'aux développeurs.

"Pendant les deux années où Fortnite était disponible sur l'App Store, Epic a gagné plus de 700 millions de revenus grâce aux clients iOS", font remarquer les avocats de l'entreprise californienne.

Mais selon Epic Games, Apple dispose et abuse d'un monopole sur la distribution d'applications sous iOS.

Il y a environ un milliard d'iPhones actifs dans le monde, soit autant de consommateurs potentiellement aisés, et les éditeurs désireux d'accéder à ce marché sont obligés de payer des commissions qui les handicapent et d'accepter les termes anti-compétitifs de la marque à la pomme, assure l'éditeur.

- "Miracle économique" -

Apple se sert de l'App Store "comme d'une arme contre ses concurrents", en rejetant ou retardant des applications rivales sous de "faux prétextes", affirment les avocats d'Epic Games, citant l'ancien directeur du magasin d'applications, Phil Shoemaker, qui s'était exprimé en ces termes lors d'une audition devant une commission parlementaire en octobre dernier.

Il avait notamment cité des exemples d'applications rivales de Google, Amazon ou Dropbox.

Epic va devoir prouver que les pratiques d'Apple nuisent aux consommateurs. Il mentionnera donc que certains éditeurs, comme lui, augmentent leurs prix sur l'iPhone pour compenser la commission.

Il tentera aussi de démonter l'argument de la sécurité, clef de l'argumentaire du groupe basé dans la Silicon Valley.

Selon des documents internes d'Apple, cités par les avocats d'Epic, Eric Friedman, le directeur d'une équipe de lutte contre la fraude, a comparé les défenses de l'App Store à "une jolie demoiselle qui vous accueille avec des fleurs à l'aéroport de Hawaï au lieu d'un chien formé à la détection des drogues".

Le géant des technologies compte de son côté faire valoir qu'il fait face à une forte compétition dans la distribution d'applications de jeux, de la part d'autres magasins d'applications (comme Google Play), des consoles (PlayStation, Xbox) et de diverses plateformes de streaming de jeux vidéo.

"Apple a aidé à construire une économie qui rapporte plus de 500 milliards de dollars par an, et ne reçoit qu'une lichette de ce montant en paiement de toute l'innovation qu'elle a facilité et des coûts d'opération", a déclaré récemment Tim Cook au New York Times, comparant l'App Store à "un miracle économique".

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