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Après 6 ans dans l'espace, du sperme lyophilisé donne naissance à des souriceaux

Certains en sont convaincus, les humains devront un jour quitter la Terre et partir vivre sur une autre planète. Mais un problème (parmi d'autres) se posera alors: l'atmosphère de la planète bleue ne protégera plus ces aventuriers des radiations spatiales.

Des chercheurs inquiets se sont ainsi demandé si ces rayonnements pourraient à la longue affecter les capacités de reproduction des humains, ainsi que des animaux qui les accompagneront dans leur nouvelle vie.

Pour répondre à cette question, une expérience scientifique de grande ampleur a été lancée, et ses résultats, publiés vendredi dans la revue Science Advances, s'avèrent plutôt rassurants.

Après avoir passé près de six ans en orbite dans la Station spatiale internationale (ISS), du sperme de souris lyophilisé a en effet pu donner naissance, une fois de retour sur Terre, à une tripotée de souriceaux en bonne santé.

Les radiations spatiales incluent "des vents solaires, des rayons cosmiques" émis par le Soleil ou depuis l'extérieur du système solaire, qui peuvent, on le sait, endommager l'ADN.

Mais selon les chercheurs, "du sperme lyophilisé pourrait théoriquement être stocké dans l'ISS pour environ 200 ans" sans problème, a déclaré à l'AFP le chercheur principal pour ces travaux, Teruhiko Wakayama, professeur à l'Université de Yamanashi au Japon.

- "Légères" anomalies -

Le projet a démarré en 1997. Teruhiko Wakayama, qui rêvait d'être astronaute et est un grand lecteur de science-fiction, montre d'abord avec son équipe que des souris peuvent effectivement naître à partir de sperme lyophilisé.

Il s'agit d'un impératif pratique: sous cette forme, les échantillons peuvent être conservés à température ambiante durant plus d'un an. Sans cela, il aurait fallu les envoyer dans des congélateurs n'étant pas disponibles à bord des fusées.

Des années plus tard, les chercheurs recueillent le sperme de 12 souris, placé dans six petites boîtes contenant chacune 48 ampoules, pas plus grandes qu'un stylo.

Trois de ces boîtes sont restées au Japon pour servir de point de comparaison, et trois ont décollé vers l'ISS en août 2014. A bord de la Station, les astronautes les placent dans des congélateurs à -95°C.

Une première boîte est rapportée sur Terre au bout de neuf mois, pour démontrer la faisabilité de l'expérience.

Une deuxième boîte est restée à bord jusqu'en mai 2016 (soit 2 ans et neuf mois). Enfin, la troisième a été rapportée sur Terre en juin 2019, après avoir passé 5 ans et 10 mois dans l'espace.

L'ADN des spermatozoïdes a alors été observé par les chercheurs. "En mesurant les dommages subis par l'ADN, il n'y avait pas de différence significative entre les échantillons conservés dans l'espace durant trois ou six ans, ou ceux conservés au sol", a expliqué Teruhiko Wakayama.

Une fois la fécondation d'ovocytes réalisée, de "légères" anomalies des chromosomes ont toutefois été détectées pour le sperme ayant passé des années en apesanteur. Mais ces dommages n'ont pas affecté leur développement.

- 400 "souriceaux spatiaux" -

Les embryons ont en effet ensuite été cultivés in vitro, puis certains ont été implantés chez des souris femelles. Au total, 243 souriceaux sont nés du sperme resté près de 3 ans dans l'espace, et 168 à partir de celui resté quasiment de 6 ans.

"En examinant les taux de naissance de ces embryons, il n'y avait pas de différence entre ceux conservés au sol ou dans l'espace, que ce soit 3 ou 6 ans", a exposé Teruhiko Wakayama. "Tous les petits étaient d'apparence normale (...) aucune anomalie n'a été trouvée."

Cinq spécimens nés à partir de sperme ayant séjourné 3 ans dans l'ISS ont été étudiés pour toute la durée de leur vie. Les chercheurs ont constaté une espérance de vie légèrement plus faible que la moyenne. Mais ces résultats devront être confirmés par l'étude toujours en cours d'autres spécimens, issus pour leur part du sperme ayant passé près de 6 ans dans l'espace.

Enfin, des "souriceaux spatiaux" ont été accouplés, donnant naissance à de nouveaux spécimens, qui ont eux-mêmes produit une troisième génération.

"Tous les descendants se sont révélés normaux", selon l'étude.

Pour son co-auteur, ces résultats sont "positifs pour la préservation à long terme des ressources génétiques". Plutôt que d'emporter avec eux de nombreux animaux vivants très encombrants, les humains qui migreront vers une autre planète pourront, afin de prévenir toute consanguinité entraînant une dégénérescence, emporter du sperme lyophilisé, explique Teruhiko Wakayama.

Toutefois, l'altitude à laquelle l'ISS tourne en orbite (400 km) bénéficie encore du bouclier magnétique protecteur de la Terre. Au-delà, les radiations sont plus intenses, et des expériences complémentaires devraient ainsi y être menées à l'avenir, jugent les chercheurs.

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