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Après l'ablation de son oeil, Christian mène un combat personnel pour vaincre le cancer: "Je savais que je ne pouvais plus opérer"

Christian Hinrichs a su que sa vie changeait à tout jamais le jour où, pensant verser du lait dans un verre, il l'a entendu s'écouler sur le sol.

C'était en 2005: le jeune chirurgien cancérologue venait de subir une ablation de l'oeil droit à cause d'un mélanome oculaire, un cancer rare qui touche six personnes sur un million en moyenne aux Etats-Unis.

Avant cette intervention, ses médecins se montraient confiants dans sa capacité à se rétablir complètement et à refaire de la chirurgie.

"Mais ma réalité, avec la perte de mon oeil, était que ma perception de la profondeur avait été déstabilisée", confie-t-il à l'AFP. "Je savais que je ne pouvais plus opérer".

A l'époque, il avait 33 ans et venait d'en passer treize à se former et à pratiquer la chirurgie cancérologique, une spécialité choisie avant même de savoir qu'il souffrirait lui-même d'un cancer. Il s'intéressait également à la recherche sur cette maladie.

Mais après l'ablation de son oeil, il ne se sentait à sa place nulle part.

"J'étais un chirurgien qui ne pouvait pas opérer et j'étais intéressé par l'oncologie mais je n'étais pas un docteur en médecine interne", se remémore M. Hinrichs, qui est donc retourné aux études pendant quatre ans pour acquérir ces compétences.

Un retour à la case départ pour ce trentenaire, marié et jeune père.

Mais avec un objectif en tête, devenu un combat personnel: trouver un moyen de vaincre le cancer quand chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie échouent.

En cas de récidive, "je serais dans le groupe des patients incurables", lâche le médecin de 46 ans, précisant que son cancer serait alors considéré métastatique et donc fatal.


"Scanxiété" 

Désormais chercheur à l'Institut national du cancer, il dirige des essais pour éradiquer les cancers causés par le papillomavirus (HPV), un virus transmis sexuellement à l'origine de différents cancers comme celui du col de l'utérus ou de la gorge.

Deux femmes ayant participé à de premiers essais cliniques d'immunothérapie contre le cancer du col de l'utérus sont considérées guéries, car elles n'ont plus de trace de la maladie depuis au moins cinq ans.

Ces essais menés au National Institutes of Health Clinical Center, établissement le plus prestigieux des Etats-Unis en matière de recherche, portent sur des patients atteints de cancers à un stade avancé et qui ne répondent plus aux traitements classiques.

Si la majorité d'entre eux n'ont pas guéri à l'issue des essais du docteur Hinrichs, certains ont néanmoins vu leur cancer disparaître en quelques mois. L'espoir est de concevoir de nouveaux traitements un jour accessibles au grand public.

Ses collègues le décrivent comme direct, honnête et sans détour, "avec un sens d'urgence à faire avancer ses recherches" probablement lié à sa propre expérience de la maladie. Un vécu qui le rapproche aussi de ses malades.

Aricca Wallace, l'une des deux patientes guéries, décrit sa "scanxiety" --son anxiété à chaque IRM ("scanner") de surveillance-- que le médecin l'aide à surmonter. Selon elle, ils ont davantage "une relation familiale que médecin-patient".

L'oncologue a arrêté de faire des clichés (IRM et radio) de contrôle environ cinq ans après l'ablation de son oeil. Le risque de récidive pour ce type de tumeur est d'environ 50%.

"Les statistiques ont vraiment une valeur limitée" en l'espèce, explique-t-il.

Le médecin ne se voit pas faire autre chose que de la recherche, pour trouver un remède aux cancers avancés en pratiquant une unique injection de milliards de lymphocytes, prélevés sur le patient et cultivés pour qu'ils se démultiplient. Une invasion immunitaire contre le cancer.

"Les personnes souffrant d'un cancer ne veulent pas des chercheurs qui se concentrent sur des choses qui ralentissent le cancer ou qui ont des effets limités", avance-t-il.

Et d'affirmer: "Ce qu'elles veulent vraiment, c'est que leur cancer disparaisse".

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