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Après l'affaire Bettencourt, la juge Prévost-Desprez s'impose face à Jawad Bendaoud

"Excellente", respectueuse et ferme, drôle parfois. Fait rare: avocats, victimes et même, à leur manière, les prévenus ont salué le travail de la juge Isabelle Prévost-Desprez pendant le procès de Jawad Bendaoud, qui sera fixé sur son sort le 14 février.

Entre la juge et Jawad Bendaoud, les choses n'avaient pourtant pas bien démarré. "Vous ne m'impressionnez pas, Madame", avait lâché, menaçant, le prévenu au début du procès à l'adresse d'Isabelle Prévost-Desprez... Avant de revenir sur l'incident le lendemain, plus détendu: "Tranquille, Madame, il n'y a rien entre nous". "Je vous confirme, Monsieur Bendaoud: il n'y a rien entre nous!", avait répondu la juge, sourire aux lèvres.

Le prévenu, jugé pour avoir logé deux jihadistes impliqués dans les attentats parisiens du 13 novembre 2015, avait déjà éclaté de colère, jusqu'à être expulsé, lors d'une audience de procédure le 30 octobre. La juge avait confondu son nom avec celui d'Abdelhamid Abaaoud, l'un des cerveaux présumés des attentats.

Cela n'a pas empêché Jawad Bendaoud de revenir sur cet incident au début de son procès: "J'ai bien rigolé le soir dans ma cellule!", a-t-il assuré. "Moi, j'étais mortifiée", lui a répondu la magistrate, qui a visiblement réussi à gagner le respect d'un prévenu hors norme.

"Je ne vais pas vous prendre pour un lapin de six semaines, vous êtes magistrate!", a dit plusieurs fois Jawad Bendaoud lors de son procès.

Isabelle Prévost-Desprez a pris ses fonctions de présidente de la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris, spécialisée dans les affaires de terrorisme, en septembre 2016.

Si elle est l'une des rares juges dont les Français connaissent le nom, c'est en partie dû à l'affaire Bettencourt, dont elle fut un acteur clé, alors qu'elle était présidente de la 15e chambre du tribunal correctionnel de Nanterre, spécialisée dans les affaires politico-financières.

En mars, elle a été relaxée en appel après avoir été jugée pour "violation du secret professionnel": elle était accusée d'avoir fait fuiter à un journaliste du Monde les détails d'une perquisition en 2010 au domicile de la milliardaire Liliane Bettencourt. A l'audience, elle avait dit avoir vécu "huit ans d'enfer" et être "très atteinte", notamment par les "pressions" exercées durant toute son enquête sur l'affaire Bettencourt.

- "bosseuse" -

Cette femme de 58 ans, qui a également été juge d'instruction au pôle financier parisien, revendique haut et fort son indépendance. Elle s'est forgée la réputation d'une juge indocile, bosseuse.

"Elle est excellente", a dit à l'AFP, pendant le procès de Jawad Bendaoud, une avocate de la partie civile, qui a requis l'anonymat. "Elle a fait un travail énorme: elle a tout lu, tout confronté". Dans la défense, on reconnaît qu'elle est "très intelligente, très fine".

"Elle arrive à faire parler quelqu'un d'ingérable, à ne pas le braquer. Les prévenus, elle les regarde avec respect. Elle s'intéresse aux gens", estime une autre avocate de la partie civile.

Bilal Mikono, victime de l'attaque du Stade de France le 13 novembre, est élogieux. "Quelle que soit la décision, elle aura réussi à installer un procès équitable", a-t-il déclaré à l'AFP, après avoir livré un témoignage poignant au tribunal. "Elle donne l'opportunité aux victimes comme aux prévenus d'exprimer leur pensée".

Les échanges de la juge avec les prévenus ont parfois détendu l'atmosphère:

- "Je revendais un peu de stup'", a raconté Mohamed Soumah, jugé pour "recel de malfaiteurs terroristes".

- "Vous êtes modeste!", lui a répondu la juge avec un sourire.

Mais la présidente a dû aussi plusieurs fois hausser le ton: "M. Bendaoud, taisez-vous!", "Exercez votre droit au silence. En vrai, M. Bendaoud". "Vous arrêtez, tous les deux!", a-t-elle crié, telle une directrice d'école, pour interrompre les deux prévenus qui se chamaillaient dans le box.

Mais dans ses derniers mots au tribunal, Mohamed Soumah lui a déclaré: "J'ai le respect des aînés. Vous avez peut-être l'âge de mon père". "Peut-être plus", a répondu Isabelle Prévost-Desprez, encore en souriant.

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