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Naufrage en Manche: Paris et Londres contraints à une meilleure coordination internationale

Après le choc de la plus terrible tragédie migratoire survenue en Manche, Paris et Londres vont tenter de taire leurs désaccords et d'améliorer la coordination internationale, pour lutter contre les gangs de passeurs organisant des traversées illégales.

La France est à l'initiative d'une réunion qui se tiendra dimanche, à Calais, avec "les ministres en charge de l'immigration belge, allemand, néerlandais et britannique, ainsi que la Commission européenne".

"Cette réunion devra permettre de définir les voies et moyens de renforcer la coopération policière, judiciaire et humanitaire" pour "mieux lutter contre les réseaux de passeurs à l'œuvre dans les flux migratoires", a affirmé jeudi Matignon au lendemain de la mort de 27 migrants dans le naufrage de leur embarcation au large de Calais.

En déplacement à Zagreb, Emmanuel Macron avait appelé plus tôt dans la matinée à "améliorer la coopération européenne" avec la Belgique, les Pays-Bas, l'Allemagne et la Grande-Bretagne pour mieux lutter contre les passeurs.

"La France est un pays de transit, nous nous battons contre ces réseaux de passeurs qui utilisent la détresse, mais nous devons pour cela améliorer la coopération européenne", avait ajouté le chef de l'Etat, faisant valoir que "quand ces femmes et ces hommes arrivent sur les rivages de la Manche, c'est déjà trop tard".

Apparaissant sur la même longueur d'ondes, la ministre britannique de l'Intérieur Priti Patel a appelé à "un effort international coordonné" .

Pour empêcher ces traversées, il faut "répondre aux effets d'appel à long terme, briser les gangs criminels qui traitent les êtres humains comme des marchandises et s'attaquer aux chaînes d'approvisionnement. Cela nécessite un effort international coordonné", a-t-elle déclaré. Mme Patel a réitéré l'offre britannique d'envoyer des forces patrouiller sur les côtes françaises, rejetée par Paris jusqu'à présent.

Cette volonté commune affichée laissait sceptiques certains observateurs tant les relations entre Paris et Londres sont exécrables. "Ils vont devoir travailler ensemble. Mais peuvent-il y arriver quand les relations sont si mauvaises, avec toujours le risque que l'un dise que l'autre n'en fait pas assez ?", s'interroge John Springford, expert au Center for European Reform (CER) à Londres.

Les victimes du naufrage sont 17 hommes, sept femmes et trois jeunes, a indiqué jeudi le parquet de Lille. Deux survivants retrouvés en hypothermie seront entendus dès que possible.

Cinq passeurs présumés ont été interpellés depuis mercredi. Toutefois, ils "n'ont pas de lien objectivé avec la procédure dont la Jirs de Lille a été saisie", a précisé le parquet de Lille.

Le drame s'est déroulé à bord d'un "long boat", un bateau gonflable fragile au fond souple qui serait parti de Dunkerque.

- " Voie de migration légale" -

"Depuis le 1er janvier, nous avons arrêté 1.500 passeurs", a affirmé jeudi Gérald Darmanin faisant état d'"organisations mafieuses" qui "relèvent du grand banditisme".

Le drame est de loin le plus meurtrier depuis l'envolée en 2018 des traversées migratoires en Manche, face au verrouillage croissant du port de Calais et d'Eurotunnel, empruntés jusque-là par les migrants tentant de rallier l'Angleterre.

La gauche, de LFI au PS en passant par EELV et le PCF, a demandé jeudi une meilleure "politique de l'accueil".

"Pour éviter de laisser les migrants aux mains des passeurs, il faut qu'il y ait une voie de passage, une voie de migration légale vers le Royaume-Uni", a affirmé Adrien Quatennens, le numéro 2 de LFI.

"Il ne sert à rien d'incriminer d'abord les passeurs ou de s'en prendre aux associations. Les vrais responsables sont ceux qui refusent d’accueillir", a fustigé la Ligue des droits de l'Homme (LDH).

De son côté, Utopia56 a enjoint à l'Etat de prendre ses responsabilités "pas uniquement pour cette tragédie mais pour toutes celles qui, inéluctablement, vont suivre si l'Etat continue à s'entêter dans ses politiques assassines".

"La militarisation de la frontière est stricte, très stricte, elle encourage les réseaux de passeurs", estime Juliette Delaplace, coordinatrice du Secours catholique sur le littoral. Même analyse de l'Auberge des migrants, pour qui "avec autant de policiers, les gens sont obligés de se mettre dans la main des passeurs".

"Plutôt que de bloquer les frontières, il faut permettre à celles et ceux qui le souhaitent de déposer une demande d’asile dans le pays de leur choix", plaide la Ligue des Droits de l'Homme.

Entre le 1er janvier et le 20 novembre, 31.500 migrants ont quitté les côtes et 7.800 migrants ont été sauvés. Selon Londres, 25.700 migrants ont réussi la traversée sur les dix premiers mois de l'année.

Avant ce naufrage, le bilan humain s'élevait à trois morts et quatre disparus en 2021, après six morts et trois disparus en 2020.

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