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Après les poignantes retrouvailles entre Coréens, les insupportables adieux

Après trois jours de poignantes retrouvailles, les au revoir ne pouvaient qu'être déchirants. Car ces Coréens du Nord et du Sud qui sont parents mais vivent séparés depuis des décennies avaient tous conscience, mercredi, d'échanger probablement leurs derniers regards.

La majorité des participants à ces réunions de familles séparées depuis la Guerre de Corée (1950-1953) qui se tenaient depuis lundi dans la station nord-coréenne du Mont Kumgang ont plus de 80 ans. Et rien ne permet d'espérer dans un avenir proche la libre circulation des personnes sur la péninsule.

Alors beaucoup ont éclaté en sanglots quand a grésillé sur les haut-parleurs du grand hall l'annonce froide et cruelle: "La réunion est finie".

Une des participantes les plus âgées, la Sud-Coréenne Han Shin-ja, 99 ans, a été conduite vers la porte mais a refusé de faire un pas de plus, s'agrippant en pleurs à ses deux filles nord-coréennes. "Maman! Maman!", se lamentaient les deux septuagénaires.

Mme Han était la dernière Sud-Coréenne à quitter la salle, où restaient éparpillés des Nord-Coréens comme sidérés, alors que même les serveuses pleuraient en débarrassant les tables.

Au moment de partir, le Sud-Coréen Lee Ki-soon, 91 ans, a serré son fils nord-coréen dans ses bras en souriant et en lui disant: "Je ne suis pas un faux. Tu as un père!"

- "Rendez-vous après l'unification" -

Une fois que tous les Sud-Coréens étaient à bord des autocars devant les faire retraverser la frontière, leurs parents nord-coréens -qui arboraient tous un badge avec le visage des grandes figures du régime- ont été autorisés à sortir leur dire au revoir de la main.

Certains collaient leur main aux vitres des bus quand d'autres couraient à côté des véhicules, pour un dernier regard.

"Rendez-vous à Pyongyang après l'unification", a lancé l'un d'eux.

Des millions de Coréens ont été séparés de membres de leur famille par la Guerre qui a scellé la division hermétique de la péninsule.

Aucun traité de paix n'ayant été signé, Nord et Sud sont encore, techniquement, en état de guerre. Toute communication civile est rigoureusement proscrite et les voyages de l'autre côté de la zone démilitarisée (DMZ) sont rarissimes, et étroitement contrôlés.

Depuis 2000, les deux camps ont organisé 20 séries de réunions de familles, au gré de l'amélioration de leurs relations.

Mais le temps, désormais, presse. Sur les 130.000 Sud-Coréens qui s'étaient initialement portés candidats pour ces réunions, moins de 60.000 sont encore en vie.

Lors des réunions organisées cette année, les premières en trois ans, le doyen, Baik Sung-kyu, avait 101 ans.

- Une vie de séparation -

Pour les survivants qui ont la chance d'être choisis --89 familles depuis lundi, et un nombre similaire en fin de semaine-- il s'agit en trois jours de dépasser une vie de séparation.

Mercredi matin, lors d'une ultime réunion avant les adieux, Kim Byung-Oh, 88 ans, s'est effondré en sanglots quand sa soeur, plus jeune, l'a rejoint.

"Ne pleure pas, mon frère. Ne pleure pas", lui a-t-elle dit en lui prenant la main. Mais ses larmes ont continué de couler, et sa soeur, finalement, n'a plus su retenir les siennes.

Pendant dix minutes, le frère et la soeur se sont serré la main sans un mot.

"Je ne pensais pas que mon père pleurerait autant", confie le fils de Byung-Oh.

A en croire des informations recueillies par un pool de journalistes, beaucoup avaient apporté des arbres généalogiques et quantité de photos pour expliquer la situation familiale.

Lee Soo-nam, un Sud-Coréen de 77 ans, a pu revoir son frère aîné vivant au Nord. Et pour faciliter la compréhension, il a demandé à un neveu nord-coréen de lui écrire les noms de tous ses frères et soeurs, neveux et nièces.

"Je lui ai demandé les noms pour m'en rappeler, tant que je suis en vie", a-t-il dit.

"Je n'ai pas les mots pour décrire ce que je ressens maintenant", a-t-il poursuivi. "Quand pourrons-nous nous revoir? Personne ne le sait. C'est tellement triste. Si seulement nous étions plus jeunes."

- "Nos racines" -

Pour autant, il dit être "énormément heureux" d'avoir pu participer à cette réunion.

"Maintenant, je peux aller sur la tombe de mes parents et leur dire: +Père, Mère, j'ai rencontré mon frère Jong Song et je l'ai vu vivant. Je vous remercie. C'est grâce à vos prières+."

Beaucoup se disent heureux d'avoir participé à ces réunions, même si elles n'ont duré qu'une dizaine d'heures au total.

Lee Byung-joo, un Sud-Coréen de 90 ans, a pu rencontrer un neveu et une nièce, les enfants de son grand frère aujourd'hui décédé.

"En les rencontrant, c'est toute la douleur d'une vie qui s'est envolée", assure-t-il.

"J'ai des réponses à toutes les questions que je me posais. Maintenant, je peux relâcher le poids que j'avais sur le coeur. Nous avons retrouvé nos racines".

Cette série de réunions se veut une illustration supplémentaire de la remarquable détente entre le Nord et le Sud, après des années de montée des tensions en raison des programmes nucléaire et balistique de Pyongyang.

Dans un bref compte-rendu, l'agence de presse officielle nord-coréenne KCNA a souligné que ces rencontres entraient "dans le cadre des mesures pratiques prises pour mettre en oeuvre la déclaration de Panmunjom", en référence à la rencontre historique en avril entre le président sud-coréen Moon Jae-in et le dirigeant Kim Jong Un.

"Nos compatriotes ont rencontré leur famille du sud et ont échangé leurs pensées dans une joyeuse atmosphère familiale", a commenté sobrement KCNA.

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