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Après Nantes, l'IGPN de nouveau sous le feu des critiques

"Partialité", manque de "transparence": l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), déjà mise en cause dans ses enquêtes sur les blessures des "gilets jaunes", est de nouveau critiquée pour avoir dédouané les policiers impliqués dans les incidents de la Fête de la musique de Nantes.

Selon une synthèse publiée mardi, le rapport de la "police des polices" n'a pu établir de lien entre l'action des forces de l'ordre sur un quai de la Loire, jugée "justifiée" et "pas disproportionnée", et la disparition dans le même secteur de Steve Maia Caniço, dont le corps a été retrouvé lundi dans le fleuve.

"Ce rapport est d'une partialité qui me dérange hautement", a déclaré mercredi sur Europe 1 l'avocate de la famille du jeune homme, Me Cécile de Oliveira, craignant "qu'il ne soit rédigé de manière très contestable, très critiquable".

Pour le député LFI Eric Coquerel, "l'IGPN ne réglera pas la question, on estime depuis longtemps que ce n'est pas à la police d'enquêter sur la police".

Mercredi, un hashtag #SelonlIGPN est apparu sur les réseaux sociaux, ironisant sur l'objectivité de l'institution.

Les reproches reviennent régulièrement, qu'il s'agisse de l'enquête classée sans suite sur l'interpellation en décembre de lycéens mis à genoux à Mantes-La-Jolie (Yvelines), des "gilets jaunes" blessés lors de manifestations ou encore de "l'affaire Théo" grièvement blessé en 2017 par un coup de matraque et dans laquelle l'IGPN a retenu le "caractère non-intentionnel" de l'acte du policier.

-"On est là pour faire du droit" -

"Quelle que soit la pression qu'on peut ressentir de l'opinion, des faits, du drame, il faut qu'on reste technique", se défend un cadre de l'IGPN auprès de l'AFP, confiant qu'il est parfois aussi "compliqué de garder la tête froide". "On est là pour faire du droit, pas pour se substituer au législateur ou être moraliste", ajoute-t-il.

Les enquêteurs peuvent conclure à un usage disproportionné de la force même sans blessé grave ou, au contraire, considérer qu'il n'y a pas eu d'usage illégitime de la force sur des cas de mains arrachées ou d'yeux crevés. "C'est ça qui est parfois extrêmement compliqué à entendre", reconnaît le cadre de l'IGPN.

Ce cadre cite un autre exemple: sur la base d'un rapport de la "police des polices", le procureur de Toulon Bernard Marchal, qui avait d'abord dédouané un commandant de police filmé en janvier en train de frapper un homme en marge d'une manifestation de "gilets jaunes", a finalement ouvert la semaine dernière une information judiciaire le visant.

"Il n'y a aucune autre inspection en France qui fait des enquêtes administratives aussi fouillées et avec autant d'investigations que l'IGPN", assure aussi le cadre de la "police des polices". "Nous sommes parmi les seuls à faire des auditions directes. On peut aussi entendre des gens qui ne sont pas de l'administration en enquête administrative".

Les policiers de l'IGPN sont "assermentés, recrutés sur profil et formés" pour enquêter "à charge et à décharge", défend Olivier Hourcau, secrétaire général adjoint du syndicat Alliance.

"Le professionnalisme" des agents de l'IGPN, choisis après "une sélection très forte", n'est pas en cause, appuie Sebastian Roché, chercheur au CNRS.

Mais selon lui, sa dépendance statutaire vis-à-vis du pouvoir politique pose problème: "sa directrice (Brigitte Jullien, ndlr) est nommée par le ministre de l'Intérieur qui peut décider de la révoquer à tout moment".

Il cite notamment les exemples de la Grande-Bretagne, du Danemark ou de la Belgique qui disposent d'entités indépendantes "dirigées par des non-policiers" et mêlant enquêteurs, magistrats et personnalités de la société civile.

"Tous les pays qui ont voulu progresser ont coupé ou affaibli le lien entre l'exécutif et l'organe qui conduit les enquêtes", observe le chercheur.

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