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Kirghizstan: l'ex-président Atambaïev snobe l'ouverture de son procès

L'ex-président du Kirghizstan Almazbek Atambaïev, arrêté en août dans la violence, a snobé vendredi l'ouverture de son procès, "une mise en scène" selon lui, qui a été dès lors ajourné.

L'audience doit reprendre lundi, sans que l'on sache si le juge forcera son extraction de sa cellule.

Jugé pour son rôle présumé dans la libération de prison d'un chef mafieux, il est le troisième chef d'Etat depuis l'indépendance à connaître une fin de carrière tumultueuse. Avant lui, Askar Akaïev en 2005 et Kourmanbek Bakiev en 2010 avaient été renversés par des révolutions nourries par le mécontentement de la population face à la corruption.

Accusé lui aussi de corruption, M. Atambaïev, 63 ans, est soupçonné d'avoir facilité la libération, en 2013, d'Aziz Batoukaïev, un criminel d'origine tchétchène détenu au Kirghizstan.

Risquant jusqu'à 15 ans de prison pour cette première affaire, l'ex-chef de l'Etat, qui se trouve en détention provisoire, a refusé de se présenter au tribunal pour une première audience à huis clos à Bichkek, ce qui a forcé la cour à ajourner le procès.

- Corruption, meurtres, troubles -

"Mon client proclame son innocence", a indiqué à l'AFP son avocat Sergueï Slessarev, expliquant que Almazbek Atambaïev "refuse de prendre part à la mise en scène" de sa condamnation.

L'ex-président est encore mis en cause dans 13 autres affaires, notamment pour organisation de troubles massifs, de meurtre et de prise d'otage, des accusations liées à son interpellation cet été.

Pour M. Atambaïev, au pouvoir de 2011 à 2017, ses déboires judiciaires ont été orchestrés par son successeur pourtant désigné, Sooronbaï Jeenbekov, qui s'est retourné contre lui.

Le 8 août, l'ancien chef d'Etat avait été interpellé après un assaut massif des forces spéciales contre sa villa près de Bichkek.

Des affrontements sanglants lors d'une première tentative d'arrestation avaient laissé craindre un embrasement dans ce pays de six millions d'habitants en proie à de fréquentes poussées de violences ethniques et politiques.

Le Kirghizstan, à majorité musulmane, connaît néanmoins un certain pluralisme politique et fait figure d'exception en Asie centrale, une région réputée pour ses dirigeants autoritaires et boulonnés au pouvoir.

Depuis 2010, la constitution kirghize limite ainsi l'exercice de la présidence à un seul mandat.

Mais l'arrestation de M. Atambaïev est venue rappeler les tensions existantes dans cet Etat pauvre et montagneux.

La justice le soupçonne d'avoir appuyé la libération et le transfert en Tchétchénie d'Aziz Batoukaïev, un chef mafieux. Cette remise en liberté pour raison médicale avait suscité un tollé, dans un pays où les élites sont souvent accusées d'être de mèche avec les réseaux criminels.

Selon les enquêteurs kirghiz, le certificat médical d'Aziz Batoukaïev, qui indiquait qu'il souffrait d'un cancer en phase terminale, avait été falsifié.

Après avoir refusé d'être interrogé dans cette affaire, l'ex-président Atambaïev s'était retranché dans sa résidence et avait promis de résister à son arrestation.

Fin juin, il avait qualifié ces accusations d'"absurdes" et reproché à son successeur d'avoir ouvert "le règne de l'arbitraire et de l'anarchie".

- Arrestation rocambolesque -

Début août, un premier assaut des forces de l'ordre avait été repoussé dans la confusion par des dizaines de ses partisans. L'affrontement avait causé la mort d'un officier des forces spéciales et fait des dizaines de blessés.

Après une nouvelle opération ayant mobilisé plus de 2.000 policiers, l'ancien chef d'Etat s'était finalement rendu sans résistance. Il est en détention depuis.

Trois autres anciens hauts responsables, dont un ex-procureur, doivent également comparaître devant la justice dans le cadre du procès de vendredi.

A la fin de son mandat en 2017, Almazbek Atambaïev avait réussi au prix de manoeuvres politiques à imposer la candidature de M. Jeenbekov, qui était alors son dauphin, mais leurs relations s'étaient rapidement dégradées.

Cette crise est suivie de près par la Russie, influent allié du Kirghizstan, où vivent et travaillent des centaines de milliers de Kirghiz. Moscou y dispose d'une base militaire.

Le président russe Vladimir Poutine avait rencontré en juillet à la fois Almazbek Atambaïev et Sooronbaï Jeenbekov dans l'espoir de désamorcer leur confrontation. En vain.

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