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Archéologie préventive: plainte contre l'Inrap pour "prise illégale d'intérêts"

Eveha, principale société privée française d'archéologie préventive, a annoncé lundi avoir déposé une plainte pour "prise illégale d'intérêts" contre l'Inrap, opérateur public historique, qu'elle accuse d'être à la fois client et payeur sur ce marché très spécifique.

La plainte d'Eveha (250 employés, 12% du marché), dont le siège est à Limoges, a été déposée auprès du TGI de Paris. Avec quelque 2.000 collaborateurs et 50% de parts de marché, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), "acteur dominant du secteur de l'archéologie préventive, est par ailleurs le gestionnaire du FNAP (fonds national pour l’archéologie préventive) et assure le paiement des sommes auprès des aménageurs", explique l'avocat d'Eveha, Eric Declety.

"L'Inrap se trouve souvent être la fois le client et le payeur de l'aménageur. Il peut donc être amené à se payer lui-même sans qu'il soit procédé à une vérification du prix", s'insurge Julien Denis, directeur scientifique et co-fondateur de Eveha, pour qui la situation "peut également générer une distorsion de concurrence vis-à-vis des autres opérateurs qui auraient été susceptibles de réaliser la fouille".

Pour Me Declety, "la société Évhea, concurrente de l'Inrap sur le marché des fouilles, a subi d’importants préjudices en conséquence des faits délictueux qui ont été commis par l'Inrap". La société a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Limoges début novembre 2017 et dénonce depuis des mois un monopole de fait de l'Inrap et de son autorité de tutelle, le ministère de la Culture.

Daniel Guérin, directeur général délégué de l'Inrap, a déclaré à l'AFP n'avoir pas encore pris connaissance de l'intégralité de la plainte. Une plainte selon lui "folklorique sur le plan juridique puisque si l'Inrap délivre des ordres de paiement au niveau du FNAP, c'est l'Etat qui prend les décisions d'attribution des fonds."

M. Guérin estime "qu'une fois de plus le co-fondateur d’Éveha cherche à rendre l’opérateur public responsable de ses choix économiques et de son modèle qui, reposant sur le dumping des prix, s’est heurté aux limites du marché". L'Inrap a l'intention de son côté de déposer plainte "pour dénonciation calomnieuse", a-t-il ajouté.

"Les plaintes à répétition d'Eveha sont un écran de fumée pour tenter de masquer sa mauvaise gestion", a renchérie Dominique Garcia, le président de l'Inrap, qui s'inquiète de voir "l'archéologie préventive affaiblie" par ces polémiques.

Opérateur historique, l'Inrap a été créé par l’Etat en 2001 en même temps que ce dernier instituait l’obligation de diagnostics et, si nécessaire de fouilles, sur tout aménagement (construction de parkings, routes, supermarchés, etc.) dans une zone sensible sur le plan archéologique.

Dès l’origine le statut hybride de l'Institut lui a permis d’héberger une double activité: d'un côté les diagnostics préventifs, sur lesquels il garde le monopole et qui sont subventionnés par les pouvoirs publics, de l'autre les fouilles proprement dites, ouvertes au privé et donc soumises à concurrence depuis 2003.

A l’automne 2015 avec les sociétés Hades, Mosaïque Archéologie et Paléotime, Evéha avait saisi l’Autorité de la concurrence afin de démontrer que la porosité existant entre ses deux activités laissait à l’Inrap la possibilité de vendre ses prestations soumises à concurrence en dessous des prix, en compensant ses pertes par des subventions publiques, entraînant un dérèglement du marché.

En juin 2017, l'Autorité a reconnu "un risque de subventions croisées" pouvant aboutir à "des prix prédateurs ou produire des effets d'éviction". Elle avait par conséquent demandé à l'Inrap une séparation comptable entre ses missions de service public et ses activités concurrentielles, ce à quoi l'Institut s'était engagé.

La plainte d'Eveha est soutenue par le Syndicat national des professionnels de l'archéologie (SNPA).

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