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Arménie: l'ex-président Sarkissian devant la justice pour corruption

Le procès de l'ancien président arménien Serge Sarkissian, accusé de détournements de fonds publics, a débuté mardi dans la capitale Erevan, près de deux ans après un soulèvement populaire qui l'avait chassé du pouvoir.

Agé de 65 ans, Serge Sarkissian a dominé la scène politique de cette ancienne république soviétique du Caucase lors de deux mandats présidentiels, entre 2008 et 2018.

Vêtu d'un costume bleu, il est arrivé au tribunal sous les encouragements de dizaines de ses partisans ayant bravé le froid. "J'espère qu'en Arménie, il y a toujours des juges pour qui la justice est au-dessus de tout", a lancé l'ex-dirigeant, avant d'entrer dans le bâtiment.

"Président ! Président !", scandaient ses soutiens.

Après cette première audience protocolaire, des semaines, voire des mois pourraient s'écouler avant que les juges étudient le fond de l'affaire.

Selon les procureurs, Serge Sarkissian a participé à l'élaboration d'un mécanisme dans lequel une entreprise privée a vendu du carburant pour un prix bien supérieur à celui du marché à un programme d'aide agricole du gouvernement.

Les bénéfices de cette combine, près de 489 millions de drams (environ 946.000 euros au taux actuel), ont été reversés à de hauts fonctionnaires et hommes d'affaires, affirment les procureurs.

L'accusation n'a fourni aucun élément à ce stade prouvant que Serge Sarkissian a touché directement une partie de cet argent. Interrogé par l'AFP, son avocat, Amram Makinian, a dénoncé une affaire "fabriquée" pour éloigner l'ex-président de la politique. En cas de condamnation, il risque jusqu'à huit ans de prison.

"Ce procès est une farce", a affirmé de son côté Margarita Essaïan, ancienne députée du Parti républicain de Serge Sarkissian. Selon elle, l'ex-président est poursuivi "sur ordre de (Nikol) Pachinian", l'actuel Premier ministre.

- Révolte populaire -

L'enquête visant M. Sarkissian -- qui faisait profil bas depuis sa démission en 2018 -- l'a remis sur le devant de la scène.

Né dans la région séparatiste du Nagorny-Karabakh, toujours en guerre contre l'Azerbaïdjan voisin, il a occupé diverses hautes fonctions de l'Etat avant de devenir président en 2008.

En avril 2018, ayant exercé le nombre de mandats maximum à la présidence, il a renforcé les prérogatives du Premier ministre et tenté d'accéder à ce poste. Il s'est heurté à un important mouvement d'opposition qui a rassemblé des dizaines de milliers de personnes.

Cette tentative de M. Sarkissian a cristallisé la frustration de la population de ce pays pauvre de près de trois millions d'habitants, à l'économie fragile, où la corruption gangrène de nombreux secteurs.

Après plusieurs semaines d'une mobilisation menée par Nikol Pachinian, alors député, le mouvement a poussé au départ M. Sarkissian dont la démission a été célébrée par des milliers de personnes.

Depuis, Nikol Pachinian a été élu Premier ministre et mène une croisade contre la corruption.

Ancien membre du Parti communiste, Serge Sarkissian s'est fait connaître en rejoignant, à la fin des années 1980, les séparatistes arméniens combattant l'armée azerbaïdjanaise dans le Nagorny-Karabakh.

Ce conflit a déjà fait plus de 30.000 morts. Le long du front, les échanges de tir meurtriers sont encore fréquents.

En 2008, l'élection de M. Sarkissian avait été suivie de violences entre la police et des militants d'opposition dénonçant un vote truqué. Ces affrontements, parmi les pires de l'histoire récente arménienne, avaient fait dix morts, dont deux policiers.

Pendant ses deux mandats, Serge Sarkissian a joué un jeu d'équilibriste entre l'Occident et Moscou.

En 2013, après une rencontre avec le président russe Vladimir Poutine, il a finalement refusé de signer un accord d'association avec l'Union européenne, pourtant négocié de longue date, et a opté pour un ralliement à l'Union économique eurasiatique soutenue par le Kremlin.

Au début de son premier mandat, Serge Sarkissian a également tenté, en vain, de normaliser les relations entre Erevan et la Turquie, mises à mal par la question du génocide des Arméniens par les Ottomans lors de la Première guerre mondiale.

Un autre ex-président arménien, Robert Kotcharian, fait également face à des poursuites pénales. Il est soupçonné d'avoir truqué l'élection de 2008 en faveur de son successeur, Serge Sarkissian.

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