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Arrêté en Bolivie, l'ex-militant d'extrême gauche Cesare Battisti va être expulsé vers l'Italie: retour sur des décennies de cavale

Cela fait 37 ans que l'Italie le réclamait: Cesare Battisti, cet italien condamné à la perpétuité dans son pays pour des meurtres datant des années 70, a été arrêté en Bolivie. Cesare Battisti est un ancien militant d'extrême gauche classé comme terroriste par la justice italienne. Voici les détails de son arrestation et la façon dont il a échappé à la justice italienne en trouvant refuge en France puis au Brésil.

Cesare Battisti, un ex-activiste d'extrême gauche italien condamné à la prison à perpétuité en Italie pour quatre meurtres, devait être expulsé dimanche de manière imminente vers Rome, après son arrestation samedi en Bolivie. "Cesare Battisti rentrera en Italie dans les prochaines heures, avec un vol en partance de Santa Cruz", dans l'est de la Bolivie, "et direct vers Rome", a écrit sur son compte Facebook le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte, après s'être entretenu par téléphone avec le président brésilien Jair Bolsonaro.

Après quelques heures d'hésitation sur une éventuelle escale au Brésil, la Bolivie a également annoncé que l'ex-activiste serait expulsé directement vers l'Italie.  Le gouvernement italien a dépêché dimanche matin un avion vers l'Amérique latine dans l'espoir d'aller immédiatement chercher son ressortissant, qui avait fui voici un mois le Brésil sur le point de l'extrader.


Comment il a été repéré

Cesare Battisti, qui a fui le Brésil, avait été repéré "avec certitude" en Bolivie la semaine dernière à Santa Cruz et une opération avait été préparée avec les autorités locales, a-t-on appris auprès du gouvernement italien. "Battisti a été arrêté dans la rue, il n'était pas armé et n'a pas opposé de résistance. Il a répondu à la police en portugais et montré un document brésilien qui confirmait son identité. Désormais l'Italie l'attend", ajoutent ces même sources du ministère italien.

Selon le quotidien italien Corriere della sera, le fugitif de 64 ans a été repéré dans la rue samedi en fin d'après-midi par une équipe spéciale d'Interpol. Cesare Battisti portait une fausse barbe et une fausse moustache, rapporte le journal.

L'équipe d'Interpol avait ciblé ses recherches à Santa Cruz avant Noël, avant de réduire sa traque à certains quartiers et finalement remarquer le passant qui avait une démarche titubante, rapporte encore le journal qui a été le premier à annoncer la capture.

Un délinquant qui ne mérite pas une vie confortable à la plage

Le fils du nouveau président brésilien, le député Eduardo Bolsonaro, a commenté l'arrestation sur Twitter en italien avec une photo de Battisti: "Le Brésil n'est plus une terre de bandits. Matteo Salvini (ministre de l'Intérieur italien, ndlr), le 'petit cadeau' va arriver".

Le ministre italien de l'Intérieur Matteo Salvini a remercié dans un communiqué les forces de l'ordre italienne et étrangères qui ont conduit à l'arrestation "d'un délinquant qui ne mérite pas une vie confortable à la plage, mais mérite de finir ses jours en prison". "Ma première pensée va aujourd'hui aux proches des victimes de cet assassin, qui a profité trop longtemps d'une vie qu'il a lâchement prise à d'autres, chouchouté par les gauches de la moitié de la planète. Le pique-nique est fini", a ajouté Matteo Salvini.

Le chef de La Ligue (extrême droite) a également adressé des remerciements au président brésilien Jair Bolsonaro, président d'extrême droite qui a pris ses fonctions le 1er janvier 2018.

Une vie de cavale

Écrivain de l'exil, l'ancien gauchiste italien Cesare Battisti, condamné pour meurtres et arrêté samedi en Bolivie, a vécu près de 40 ans dans une cavale quasi perpétuelle, rythmée par des séjours en prisons et des batailles diplomatico-judiciaires pour éviter la justice de son pays.

Condamné par contumace à la réclusion à perpétuité en Italie, sa route l'a mené au Mexique, en France et au Brésil où l'homme de 63 ans est régulièrement menacé d'extradition vers Rome déterminée à punir une des dernières figures des "années de plomb" de la décennie 70.


Condamné pour deux meurtres et deux complicités de meurtres

Polyglotte, polémiste infatigable à la voix douce, Battisti est né au sud de Rome le 18 décembre 1954 dans une famille communiste, mais aussi catholique, comme lui-même.

Après de brefs séjours en prison pour des délits de droit commun, il rejoint à la fin des années 1970 la lutte armée au sein du groupuscule des "Prolétaires armés pour le communisme" (PAC).

"Prétendre changer la société avec des armes, c'est une connerie. Mais enfin! A l'époque tout le monde avait des flingues!", assurait-il en 2011. "Il y avait des guérilleros dans le monde entier. L'Italie vivait une situation prérévolutionnaire".

Arrêté à Milan et écroué en 1979 en Italie, il s'évade en 1981. En 1993, il est condamné à la prison à perpétuité par contumace pour deux meurtres et deux complicités de meurtres commis en 1978 et 1979, crimes dont il se dit innocent.


Réfugié en France durant 14 ans

Après un passage par le Mexique, Battisti trouve refuge en France de 1990 à 2004, bénéficiant de la protection de l'ancien président socialiste François Mitterrand, qui s'était engagé à n'extrader aucun militant d'extrême-gauche renonçant à la lutte armée. Comme une centaine de militants italiens des années 70, il refait sa vie à Paris.

Gardien d'immeuble pour assurer ses fins de mois, il entame une carrière d'écrivain, publiant une douzaine de polars à forte teneur autobiographique, qui brassent les thèmes d'un passé qui ne passe pas, de la rédemption et de l'exil d'ex-militants extrémistes.

D'une certaine façon ses titres font sens: "Les habits d'ombre", "Jamais plus sans fusil", "Avenida Révolucion", "Dernières cartouches", "Ma cavale" préfacé par Fred Vargas, son indéfectible soutien, ou encore "Ser Bambu" ("Etre Bambou", c'est-à-dire plier mais rester solide, selon l'expression brésilienne).


Départ pour le Brésil

En 2004, le gouvernement de Jacques Chirac décide de mettre fin à la "jurisprudence Mitterrand" et d'extrader Battisti. Malgré l'appui d'un collectif de personnalités de gauche composé de la romancière Fred Vargas et du philosophe Bernard-Henri Levy, la justice française rejette les recours de Battisti.

Il s'enfuit alors au Brésil sous une fausse identité avec, selon lui, l'aide des services secrets français. Mais en 2007, il est arrêté à Rio de Janeiro après trois années de clandestinité. Incarcéré pendant quatre ans, il observe une grève de la faim affirmant préférer "mourir au Brésil plutôt que de retourner en Italie". "Ecrire pour ne pas me perdre dans le brouillard des journées interminables, me répétant que ce n'est pas vrai. Que ce n'est pas moi, cet homme que les médias ont transformé en monstre puis réduit au silence des ombres", écrit-il dans "Ma cavale" qu'il rédige en prison.

En 2009, la Cour suprême brésilienne autorise son extradition mais laisse la décision finale au président Lula, qui refuse finalement de l'extrader. Furieuse, l'Italie rappelle son ambassadeur à Brasilia.

A sa libération en juin 2011, il obtient un répit: le Brésil lui accorde un permis de résidence permanente. Battisti s'installe à Cananeia, un port au sud-est du pays où il continue à écrire. Il rêve d'amnistie. "D'autres pays y ont bien réussi", affirme-t-il. Il a un fils.

Mais son existence est suspendue au gré des décisions contradictoires de la justice brésilienne. En 2015, une juge ordonne une nouvelle expulsion. La même année, il se marie avec sa compagne brésilienne dans un camping de Cananeia.


Bolsonaro au pouvoir = clandestinité pour Battisti

Il est interpellé deux ans plus tard à la frontière bolivienne, accusé de vouloir fuir. Il est placé sous surveillance électronique pendant quatre mois. Après l'élection en octobre dernier du président d'extrême droite Jair Bolsonaro qui avait promis son extradition, Battisti, usé par près de 40 ans d'une existence en suspens, passe à la clandestinité.

Jusqu'à à l'annonce de son arrestation à Santa Cruz de la Sierra, dans le centre de la Bolivie, dans la nuit de samedi à dimanche...

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