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Asie-Pacifique: le Japon à l'offensive pour nouer des alliances commerciales

D'abord sonné par le retrait américain, le Japon a finalement été très actif pour faire aboutir le nouveau traité transpacifique, un volontarisme inédit pour l'archipel qui cherche à développer les alliances commerciales dans la région, face à l'activisme de son rival chinois.

Traditionnellement plutôt dans une position "défensive" en matière de négociations commerciales, "c'est la première fois que le Japon prend un rôle de meneur", se félicitait mi-février devant la presse, Kazuyoshi Umemoto, le négociateur en chef pour le Japon du nouveau pacte transpacifique (CPTPP), qui doit être signé jeudi au Chili.

Pourtant, un an plus tôt, le Premier ministre nippon Shinzo Abe assurait que "le TPP sans les États-Unis n'aurait pas de sens".

Le retrait de la première puissance économique mondiale a certes fortement réduit la portée du traité, mais "même sans les Etats-Unis, les bénéfices n'ont pas disparu" pour le Japon, note Kensuke Yanagida, chercheur à l'institut japonais des Affaires internationales.

L'archipel s'attend ainsi à une hausse de 1,5% de son PIB grâce à ce traité, qui va augmenter les débouchés des entreprises nippones dans les pays signataires, alors que la Chine et la Corée du Sud, les deux autres puissances économiques régionales, sont exclues de l'accord.

Améliorer la compétitivité des entreprises japonaises, notamment dans les domaines où elles dominaient historiquement (informatique, équipements électroniques, etc.), est un des défis de la troisième économie mondiale.

- Devancer Pékin -

Après la finalisation en décembre des négociations commerciales avec l'Union européenne, il s'agit du deuxième pacte de libre-échange formalisé ces derniers mois par le gouvernement de Shinzo Abe.

Selon les experts, il permet au Japon d'avancer ses pions dans la région Asie-Pacifique, alors que la Chine multiplie les initiatives pour étendre son influence.

"Cet accord change le paysage régional parce qu'il y a dorénavant deux - et non plus un seul - acteurs régionaux qui intensifient leur action dans la diplomatie économique", estime Mireya Solis, de la Brookings Institution, basée à Washington.

Laisser tomber le traité aurait donné carte blanche à la Chine pour faire de son propre projet de méga-accord régional, le Partenariat économique intégral régional (RCEP), une référence.

Censé regrouper les 10 pays de l'Association des nations du Sud-est asiatique (Asean) et leurs partenaires dans la région (Chine, Japon, Australie, Inde, Corée du Sud, Nouvelle-Zélande), il exclut en revanche les Etats-Unis.

Comme le CPTPP, le RCEP veut libéraliser les échanges, mais affiche beaucoup moins d'ambitions sur des normes de régulation, en particulier environnementales et sociales.

Pour le Japon, l'enjeu était donc d'"élaborer des règles d'échanges et d'investissements en Asie, et d'éviter que ce soit la Chine qui le fasse", explique Tobias Harris, vice-président de la société de conseil Teneo Intelligence.

- Faire revenir Washington -

Tokyo entend aussi contrer Pékin sur son projet de "nouvelles routes de la soie" (BRI, selon son acronyme anglais), un vaste programme lancé en 2013 de financement d'infrastructures terrestres et maritimes pour plus de 1.000 milliards de dollars vers le reste de l'Asie, l'Europe et l'Afrique.

Le Japon a promis en 2015 d'investir 110 milliards de dollars sur cinq ans en Asie pour développer des infrastructures. Et l'archipel s'est associé à l'Inde pour promouvoir les échanges entre l'Asie et l'Afrique, un partenariat "qui manque encore de substance", note toutefois Tobias Harris.

"À long terme, il est important pour le Japon de faire face à la stratégie de la Chine et son initiative de la BRI", insiste Kensuke Yanagida.

Pour cela, le Japon ne désespère pas de voir revenir un jour Washington, son allié historique, dans le CPTPP, rendant ainsi sa force initiale au traité.

"Nous ne savons pas si les Etats-Unis reviendront ou non dans l'accord, mais nous espérons qu'un jour, ils en fassent partie", déclarait le mois dernier le négociateur en chef japonais, alors que les deux pays discutent aussi d'un accord économique bilatéral.

Le nouveau traité a été conçu de façon à permettre un retour des Etats-Unis, d'après les experts, même si cela nécessitera l'approbation de tous les signataires. C'est "un rameau d'olivier" tendu aux Américains, résume Kensuke Yanagida.

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