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Attaques de l'Aude: retour difficile à l'école pour des enfants encore émus

"Maman, j'imaginais que tu étais là-bas avec mon frère, qu'on vous tirait dessus": une partie des élèves de la petite école élémentaire L'Aiguille de Trèbes, confinés dans les classes pendant l'attaque du Super U tout proche, ont repris lundi le chemin de l'école.

G., 8 ans, arrive seul en bus, "comme d'habitude", souffle-t-il. Posté contre un muret, le petit garçon regarde circonspect et intimidé la poignée de journalistes présents à l'entrée de sa petite école, qui compte 75 élèves.

"Nous vous informons qu'une cellule psychologique est à votre disposition aujourd'hui (lundi) au sein de l'école. N'hésitez pas à venir vous exprimer si vous en ressentez le besoin", indique une affiche à l'entrée de l'établissement.

Des "cellules d'écoute" ont été mises en place par l'Académie de Montpellier dans les écoles et collège de Trèbes, commune de quelque 5.000 habitants, désormais tristement connue après une attaque vendredi revendiquée par le groupe Etat islamique.

Au cours de l'équipée meurtrière, Radouane Lakdim, 25 ans, a tué quatre personnes à Carcassonne et Trèbes, dont le Lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, qui a pris la place d'une otage dans l'hypermarché Super U.

"Mon fils n'arrête pas de me poser des questions, il me demande +pourquoi?+", expliquait dès samedi sous couvert d'anonymat une maman. Et d'ajouter, désemparée: "Je ne sais pas quoi lui répondre".

"La première des choses à faire, c'est de remettre les enfants tout de suite dans la vie de l'école", plaide la Directrice académique Claudie François-Gannin. Puis, "petit à petit, les enfants (prendront) la parole".

Ce n'est pas non plus une mince affaire pour le personnel enseignant, qui va devoir "accueillir la parole des élèves, recueillir les témoignages", confie une d'entre eux, Anne Cabrié, d'autant plus inquiète qu'ici les élèves relèvent d'"un milieu défavorisé, avec des réfugiés politiques, des migrants".

- "si j'avais été là-bas ?" -

A quelques mètres du Super U, écoliers et collégiens ont été confinés dans le noir, vendredi, cachés sous les tables selon les directives données par les autorités aux écoles.

"Tout le week-end, il n'a fait qu'en parler... C'était un peu dur pour lui, il a passé la matinée, presque toute l'après-midi jusqu'à 16H sous les tables", explique à l'AFP Nadia, 35 ans, maman d'un garçonnet scolarisé en CE1.

"Il racontait ce qu'il avait entendu: que quelqu'un tirait sur les gens." Pire, "il avait peur pour moi parce que je fais mes courses tout le temps là-bas. Il m'a dit: +Maman, j'imaginais que tu étais là-bas avec mon frère, qu'on vous tirait dessus+", rapporte, les yeux embués, cette jeune mère au foyer.

Reste qu'elle peine elle-même à comprendre: "Je n'arrête pas de penser... et si j'avais été là-bas ? Je m'imaginais ..."

Non loin, Naïma, 38 ans, venue accompagner sa fille, est elle aussi émue. Vendredi, "on regardait par la fenêtre, on voyait pompiers, gendarmes, hélicoptères...", égrène-t-elle, encore sous le choc.

Depuis, sa fille lui "demande pourquoi il y a eu ça, pourquoi il y a tout ça... On lui avait déjà expliqué (le terrorisme, Ndlr)". "On dit que ce sont des gens pas bien, pas normaux qui tuent des gens (innocents)".

Au cours du week-end, quelques familles confrontées aux questions ont accompagné leurs enfants à la mairie de Trèbes, où une cellule d'écoute et d'aide a été mise en place jusque dimanche soir.

"Ce qui est perturbant pour un enfant, ce n'est pas la réalité mais le décalage entre ce qu'il vit et ce qu'on lui dit", explique à l'AFP Xavier Mathieu, psychologue mobilisé à Trèbes pour la Cellule d'urgence médico-psychologique (CUMP) de l'Aude.

Conscient qu'"il y a eu un impact du confinement" sur les enfants, il invite les parents à dire simplement, "avec des mots adaptés, la réalité".

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