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Attentat du Drugstore: Carlos renonce à avoir le dernier mot

Ultime pouvoir, celui de se taire: Ilich Ramirez Sanchez, dit Carlos, jugé en appel pour l'attentat meurtrier du Drugstore Publicis en 1974 à Paris, a refusé jeudi de se présenter devant la cour d'assises, au dernier jour de son procès.

"Je n'irai plus à mon procès à cause d'agressions à la souricière (les locaux d'attente gardée au palais de justice, NDLR). Mes avocats assisteront à ma place. C'est légal", a-t-il écrit sur une feuille lue à l'audience par la présidente de la cour d'assises, Anne-Marie Gallen.

Carlos, figure du terrorisme "anti-impérialiste" des années 1970-80, s'est plaint auprès de ses conseils d'avoir été "agressé" et laissé pendant des heures dans une cellule où il y avait une fuite d'eau.

La présidente a désigné un huissier pour "sommer" l'accusé de comparaître. Carlos a, comme il en a le droit, refusé.

L'audience s'est donc poursuivie en l'absence de l'ex-ennemi public de 68 ans, contre qui l'avocat général a requis mercredi la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir lancé une grenade dans la galerie marchande du grand magasin parisien, faisant deux morts et 37 blessés.

En première instance en mars 2017, la cour d'assises de Paris avait condamné à la prison à vie le "révolutionnaire professionnel" autoproclamé et militant de la cause palestinienne, qui écopait alors de sa troisième condamnation à la peine maximale en France.

- Carlos, "une marque commerciale" -

Alors que le premier de ses quatre avocats débute sa plaidoirie, la présidente prévient que le verdict sera rendu ce jeudi, et non vendredi comme un temps envisagé.

La salle, incrédule, prend conscience que le "Chacal", qui se plaît tant à tisser lui-même sa légende, a renoncé à ses "derniers mots".

Lui qui a usé, parfois cinq heures durant, de cette dernière parole donnée à l'accusé que nul n'a le droit d'interrompre, a choisi de ne pas revenir à la tribune pour son dernier procès.

La déception est perceptible chez les avocats turcs venus d'Istanbul pour le soutenir, le représentant du parti communiste russe ou les étudiants en droit présents dans la salle.

L'avocat général descend lui-même au dépôt pour s'assurer que Carlos a bien compris qu'il ne pourrait plus s'expliquer s'il ne revient pas dans le box. Rien à faire.

L'accusé s'inscrit toujours sous le signe de la "nécessité": au premier jour de son procès, il a expliqué que la lutte armée au sein de la "résistance palestinienne" s'était "imposée" à lui. Le dernier jour, il dénonce par le silence ce qu'il estime être une violence d'Etat qui lui serait "imposée", traduisent ses conseils.

Debout, son avocate historique devenue sa compagne en détention, Isabelle Coutant-Peyre, dénonce un procès qui "n'a pas de sens".

"Carlos, dit-elle, ça n'existe pas. C'est une enseigne, une marque commerciale, une franchise choisie par la police, par l'Etat français. La marque Carlos sera toujours désignée coupable".

Cela fait longtemps qu'elle a renoncé à plaider sur les faits, pour concentrer ses tirs sur les pratiques "barbouzardes" d'une institution qu'elle juge aux ordres.

Elle évoque "l'enlèvement" de Carlos au Soudan par les services français en 1994 et le "scandale" de la tenue même du procès 43 ans après les faits grâce à un artifice - la Cour de cassation a jugé qu'il n'y avait pas prescription du fait de "la persévérance d'un engagement terroriste" de Carlos.

Avant elle, Antoine Van Rie, un des jeunes avocats de Carlos, né 16 ans jour pour jour après l'attentat du Drugstore, s'est dit "choqué" par "l'ancienneté des faits" et "une justice rendue à contre-temps".

Samir Hobeica, jeune avocat libanais, a lui énuméré une série de faits que le dossier "n'exclut pas" sans jamais "rien prouver", comme la description physique de l'auteur de l'attentat, qui "n'exclut pas que cela puisse être Carlos" ou la grenade lancée, dont il n'est "pas exclu" qu'elle provienne d'un lot volé en Allemagne auquel Carlos avait accès...

Isabelle Coutant-Peyre, qui plaide pour la cinquième fois aux assises pour Carlos, livre son pronostic: "Nous sommes dans un procès tellement inéquitable que la probabilité de condamnation est de 100%".

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