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Attentats: la femme ayant dénoncé Abaaoud se dit "abandonnée" par l'Etat

Elle se dit "abandonnée" par l’État alors qu'elle a livré un témoignage crucial: "Sonia" a dénoncé à la police Abdelhamid Abaaoud, un des organisateurs présumés des attentats de novembre, permettant l'opération du Raid qui avait conduit à la mort du jihadiste à Saint-Denis.

Son interview par RMC, également diffusée jeudi sur la chaîne BFMTV, a conduit le parquet de Paris à ouvrir une enquête pour "violation du secret de l'instruction" et "mise en danger de la vie d'autrui", qui vise également un article du Point.fr.

Sonia - le pseudonyme sous lequel elle est présentée - a dû fuir son quotidien pour éviter des représailles et elle vit sous protection policière, a indiqué RMC.

"On ne peut même pas dire que ma vie n'est plus du tout la même, je n'ai plus de vie", raconte-t-elle. "Je n'ai plus de vie sociale, je n'ai plus de travail, je n'ai plus d'amis, je n'ai plus de famille. On m'a coupée du reste du monde."

Amie de Hasna Aïtboulahcen, la cousine d'Abdelhamid Abaaoud, Sonia a accompagné celle-ci à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) sans savoir qu'elle y rencontrerait le jihadiste belgo-marocain.

C'était le 15 novembre, soit deux jours après les pires attentats jamais commis en France, qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis et ont été revendiqués par l'organisation État islamique (EI).

"Il avait un bob sur la tête, des baskets orange, un bombers... Pour moi, c'était un Roumain. En plus il avait le sourire. Il ne ressemblait pas du tout à un terroriste", raconte-t-elle.

Abaaoud est alors "fier" des attentats, dit Sonia. Il en parle "comme s'il racontait qu'il est parti faire les courses et qu'il avait trouvé un baril de lessive en promotion".

Et de rapporter une conversation avec le jihadiste. "Vous êtes rentrés comment ? Avec les réfugiés syriens ? Il me dit : +Ouais. La France, c'est zéro+. Il m'a dit: +On est rentré sans documents officiels.+"

Abaaoud lui assure également être accompagné de 90 autres hommes -"des Syriens, des Irakiens, des Français, des Allemands, des Anglais"- présents "un peu partout en Ile-de-France".

Selon le témoignage de Sonia, le terroriste déclare préparer de nouveaux attentats dans le quartier de La Défense, contre un centre commercial, un commissariat et une crèche.

- 'On se sent menacé' -

Son appel à la police, à qui elle communique l'adresse de la planque de Saint-Denis, permet une intervention rapide du Raid, lors de laquelle trouveront la mort Abaaoud, Hasna Aïtboulahcen et Chakib Akrouh, qui mourra en kamikaze.

Fin novembre, le procureur de Paris, François Molins, avait indiqué qu'Abaaoud et Akrouh projetaient de se faire exploser le jour même de l'assaut ou le lendemain à La Défense.

"Abaaoud était là et ils ne le savaient pas", observe Sonia, qui aspire désormais à "retrouver (sa) sérénité, (sa) tranquillité, un travail, un psy, comme ils l'ont dit", alors qu'elle n'a "rien" obtenu de l’État.

"On se sent menacé, on se sent abandonné", se désole-t-elle.

Depuis qu'elle s'est confiée à RMC, cette femme a reçu une première aide financière, a cependant indiqué la journaliste qui l'a rencontrée. Il est "important de dire que c'est elle qui va chercher les médias. C'est elle qui nous contacte", a-t-elle observé.

"Tous ceux qui diffusent des interviews, font du bruit sur ce sujet-là, (...) lui font prendre un risque", a accusé le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, sur Europe 1. "Nous faisons ce qu'il faut dans un contexte extrêmement compliqué. (...) La meilleure manière d'agir est de se taire", a-t-il commenté.

"Nous avons pris toutes les précautions nécessaires", s'est défendu après la diffusion du témoignage Jean-Jacques Bourdin, l'animateur-vedette de RMC et BFMTV.

BFMTV a été poursuivie par des otages de l'Hyper Cacher, qui l'accusaient de les avoir mis en danger en révélant durant la prise d'otage de janvier 2015 que l'un d'eux se cachait dans une chambre froide.

Les otages ont finalement retiré leur plainte en janvier après un accord avec la chaîne, qui outre des excuses, a versé 60.000 euros au Fonds social juif unifié, pour le soutien des victimes de terrorisme.

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