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Au centre pour mineurs étrangers de Pantin, "les gamins s'effondrent" après des années sur la route

Ils dorment, l'un la tête sous une serviette, l'autre serrant son sac à dos: au centre pour mineurs étrangers de MSF, à Pantin, "les gamins s'effondrent" après un parcours migratoire difficile, où la mise en cause de leur âge réel est vécu comme "une maltraitance supplémentaire".

"Cela fait six mois que je suis en France", raconte Ibrahim, 16 ans, parti de Guinée en 2016 et passé par le Sénégal, la Mauritanie et l'Espagne. Il s'est trompé de jour pour son rendez-vous avec la psychologue, mais reste quand même: "Je n'ai pas d'autre endroit où aller".

Dans ce bâtiment clair - un ancien laboratoire -, une cinquantaine de jeunes peuvent, chaque jour de la semaine, voir une infirmière, obtenir des conseils juridiques... Depuis l'ouverture en décembre, 400 environ ont été admis, explique Corinne Torre, responsable de la mission France de Médecins sans frontières, avec des Afghans mais "une majorité de francophones".

Toute la difficulté de ces jeunes vient des doutes sur leur âge. "Ils ne rentrent dans aucune case", soupire Mme Torre: déclarés majeurs lors de l'évaluation initiale, ils doivent saisir le juge pour obtenir une reconnaissance de leur minorité, ce qui est un processus long.

"En attendant, si on ne leur a pas remis de document, ils ne peuvent accéder ni à l'hébergement d'urgence, ni aux dispositifs de santé réservés aux adultes", ajoute-t-elle.

Dans un rapport publié mercredi, Human Rights Watch a dénoncé cette situation, assurant que "des centaines de jeunes migrants" se retrouvaient "livrés à leur sort à Paris". Un chiffre à rapprocher des plus de 6.600 évaluations menées à Paris l'an dernier: la capitale est la ville qui attire le plus les "mineurs non accompagnés".

Diallo, autre Guinéen de 16 ans, mais passé lui par la Libye, est l'un de ces adolescents qui dorment "dehors, porte de la Chapelle". "La police vient chaque nuit. Ils nous disent que ce n'est pas un endroit pour dormir, alors on part. Mais on revient", raconte-t-il d'une voix éteinte.

- "Vous mentez" -

Ibrahim, lui, espère être hébergé ce soir dans une famille bénévole, MSF ayant mobilisé un réseau citoyen à Paris et en province. "Mais je le saurai sans doute tard, vers 21 ou 22H00", lâche-t-il.

Tous deux expliquent que leur galère a commencé lorsque la Croix-Rouge, chargée de l'évaluation, a mis en doute leur minorité. Un dispositif très critiqué par HRW, qui parle d'entretiens parfois express voire de rejets à la porte du bâtiment. La Croix-Rouge et la ville de Paris ont vivement contesté ces allégations, assurant notamment que tout jeune était reçu, hébergé en attente de son évaluation, et que la décision lui était notifiée.

Mais pour les jeunes, "il y a un avant et un après le refus", souligne Maria Laura, la psychologue du centre. "Ils pensent tous qu'arriver à Paris est un aboutissement et on leur dit +Vous mentez+, dans un pays où ils espéraient être protégés".

A cela s'ajoutent des souffrances physiques multiples: "Ils ont été martyrisés, torturés, avec des coups témoignants de violences répétitives pendant plusieurs mois, des déformations ou des fractures résultant de courses poursuites ou de chutes de camions...", décrit Charline Vincent, infirmière.

"La plupart ne sont pas vaccinés", soupire l'infirmière, qui constate des troubles digestifs liés à l'alimentation déséquilibrée des soupes populaires, et des affections de peau fréquentes chez les gens à la rue. Quand ce n'est pas le cas récent de cette "jeune fille enceinte de six mois n'ayant jamais vu de médecin"...

Depuis décembre, 40 mineurs passés par le centre ont réussi à faire reconnaître leur minorité. Ibrahim ne désespère pas de les rejoindre: un certificat de naissance lui a été envoyé de Guinée.

"Si le juge dit que le document est bon, tout de suite je vais à l'école", assure le garçon, qui a fait sa scolarité en français à Conakry, et voudrait "devenir médecin".

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