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Au Québec, le casse-tête des déménagements en pleine pandémie

Fraîchement arrivée dans son nouveau chez soi, Sheila Dassin dirige les déménageurs ployant sous le poids de ses meubles. Comme elle, des dizaines de milliers de Québécois déménagent le 1er juillet, jour de fête nationale du Canada, une tradition devenue un casse-tête en pleine pandémie de coronavirus.

"Madame, le petit sofa, ça va où ? En haut ?", s'enquiert l'un des déménageurs, masque sur le visage. "Le sofa-lit ? Dans la petite chambre", indique Mme Dassin, l'index tendu vers un escalier, debout près des cartons étiquetés "cuisine" et "déco fragile", dans cette maison située dans la banlieue de Montréal.

"J'étais inquiète: les gens vont toucher vos choses, et puis avec la crise qui est à l'extérieur maintenant, on a peur que les gens, les étrangers rentrent chez nous", explique cette designer de mode de 46 ans, qui se disait stressée par cette journée.

Le Québec recense plus de la moitié des quelque 104.000 cas de coronavirus enregistrés au Canada depuis le début de la pandémie et près des deux tiers des 8.600 décès.

Dans la province francophone, la majorité des baux de logement se terminent le 30 juin. Environ 230.000 ménages québécois déménagent ainsi le 1er juillet, selon le Front d'action populaire en réaménagement urbain (Frapru), un regroupement pour le droit au logement.

A Montréal, de 80.000 à 100.000 ménages changent d'adresse autour de cette date, selon des chiffres de la ville. D'autres, de plus en plus nombreux, craignent de se retrouver à la rue, en raison de cette période de crise sanitaire et de pénurie de logements.

"Le nombre d'appels à l'aide a explosé", souligne Véronique Laflamme, porte-parole du Frapru, qui dénombrait mardi 171 ménages sans bail à Montréal au 1er juillet, contre 98 en 2019.

Afin d'éviter de propager le coronairus, les autorités recommandent d'éviter de demander de l'aide à des voisins ou à des amis et de faire plutôt appel à une entreprise de déménagement "qui appliquera les mesures de prévention sanitaire".

"C'est des dépenses supplémentaires qui s'ajoutent pour des ménages qui ont déjà de la misère à joindre les deux bouts", déplore Mme Laflamme.

- Stress et fébrilité -

Pour déplacer certains meubles, il est "complètement impossible de garder la distance de deux mètres", reconnaît Pierre-Olivier Cyr, propriétaire de Déménagement Le Clan Panneton. L'entreprise a mis en place de nouvelles mesures: un seul client est présent au domicile pour minimiser les contacts avec l'équipe de déménageurs.

Depuis mars, la société québécoise, qui possède une soixantaine de camions, dit désinfecter ses véhicules tous les soirs et a acheté environ 10.000 masques réutilisables.

Le coût total de ces nouvelles charges, estimé à 100.000 dollars canadiens (65.000 euros), n'a pas entraîné une hausse des tarifs, assure l'entreprise. "Les gens ont perdu leur emploi, les moyens n'y sont pas", défend M. Cyr, n'excluant toutefois pas une hausse des prix "si la pandémie devait s'étirer".

"Nos clients sont quand même assez stressés. Ils nous posent des questions sur les mesures d'hygiène qu'on prend. On sent la fébrilité", explique à l'AFP Maxime Villemure, PDG de Spaceful, une start-up montréalaise de déménagement.

Les employés doivent garder une distance de deux mètres, porter des gants et un masque, y compris en cette première journée juillet ou le mercure approche des 30 degrés.

Pour Mme Dassin en tout cas, les déménageurs "ont été prudents, ils ont mis des masques, ils sont très professionnels", se félicite-t-elle. "Je n'aurai pas peur de toucher mes choses ce soir", ajoute-t-elle, sourire aux lèvres.

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