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Au Venezuela, un duel Guaido-Maduro dont on ne voit pas la fin

Le souffle est retombé dans la rue vénézuélienne, les militaires soutiennent toujours le gouvernement et une invasion militaire paraît improbable: dans ce duel au sommet, l'opposant Guaido, de plus en plus pressé par le temps, tente de mettre en échec le président Maduro.

Six mois après s'être auto-proclamé président par intérim le 23 janvier, Juan Guaido a beau répéter qu'il fera chuter Maduro cette année "coûte que coûte", le désenchantement gagne les rangs de l'opposition, qui n'arrive plus à mobiliser la foule des débuts.

Pour tenter de ressusciter cet "espoir", Juan Guaido encourage les Vénézuéliens à ne pas "se rendre". "On va y arriver!", promet-il.

Pourtant, moins d'un millier de personnes étaient présentes le 23 juillet pour assister à la session-évènement du Parlement, organisée sur une place de Caracas, six mois jour pour jour après la proclamation de l'opposant de centre droit.

"C'est assez froid en ce moment, on n'a pas l'impression de voir arriver un changement irréversible. Mais au milieu de ce flou, un dénouement peut intervenir à tout moment", déclare à l'AFP le politologue Luis Salamanca.

Pendant ce temps, le pays s'enfonce dans la crise économique: l'inflation pourrait atteindre 1.000.000% cette année et le PIB chuter de 35%, selon les dernières prévisions du FMI.

A cela, s'ajoutent les sanctions de l'administration de Donald Trump, qui se sont multipliées ces derniers mois. Elle a notamment imposé un embargo pétrolier et visé les plus hautes personnalités du régime, sans parvenir toutefois jusqu'ici à obtenir le départ du socialiste Nicolas Maduro.

Signe de la dégradation de la situation, le chef d'Etat a autorisé en avril l'envoi d'aide humanitaire de la Croix-Rouge, une inflexion dans la position du gouvernement qui niait jusque-là l'existence d'une "crise humanitaire" dans le pays pétrolier.

"J'ai l'impression que (Guaido) est devenu (un opposant) de plus", regrette Gabriela Mico, assistant comptable de 47 ans.

Au milieu de ce sombre panorama, Juan Guaido, qui préside également le Parlement, seule institution du pays tenue par l'opposition, reste le meilleur atout des adversaires du pouvoir.

Malgré une lente érosion, l'écart reste net: les derniers chiffres de l'institut de sondages Delphos situent à 53% le niveau de confiance des Vénézuéliens en Guaido, contre 12% pour Maduro. En mai, ces chiffres étaient de 59% et 15% respectivement.

- "Encore plusieurs rounds" -

Guaido, qui est en outre reconnu par plus d'une cinquantaine de pays, dont les Etats-Unis, n'a pas réussi à mettre l'armée de son côté.

"Maduro et Guaido sont des forces faibles (...) La vraie force est du côté des militaires, qui maintiennent Maduro au pouvoir et pourraient l'en déloger rapidement. Et les Etats-Unis de Donald Trump sont les seuls à poser un problème au gouvernement", souligne Peter Hakim, du think-tank Dialogue interaméricain.

Bien que manqué, le soulèvement militaire du 30 avril a "ouvert une brèche", prévient Luis Salamanca.

L'ancien chef du renseignement du Venezuela, le général Cristopher Figuera, réfugié aux Etats-Unis après avoir participé à cette tentative de rébellion, assure que le ministre de la Défense Vladimir Padrino devait également y prendre part, avant de faire machine arrière au tout dernier moment.

En parallèle, le chef de l'opposition a accepté d'envoyer des délégués aux pourparlers avec le gouvernement sous le patronage de la Norvège.

Pour Peter Hakinm, la "seule solution pacifique" est que l'armée tourne le dos au président et que Washington accepte que les militaires et certains responsables au pouvoir actuellement "participent à une transition" qui devra comprendre une "large amnistie".

En revanche, la possibilité d'une intervention militaire de Washington semble s'éloigner.

"C'est très peu probable que Trump, à 15 mois d'une élection, prenne le risque de s'attirer les foudres de ses partisans en soutenant une intervention armée", juge Paul Hare, de l'Université de Boston.

Sans oublier que le temps presse pour Guaido: en janvier prochain, prend fin sa présidence tournante à la tête du Parlement, sur laquelle il fonde juridiquement sa légitimité de président par intérim.

"Guaido, c'est la seule carte forte de l'opposition face à Maduro. Tandis que ce dernier tente de gagner du temps (jusqu'à la fin de la législature) et il semble y parvenir", prévient Luis Salamanca, pour qui il n'y a "ni gagnant, ni perdant".

Maduro et Guaido "sont contre les cordes et s'agrippent l'un à l'autre, soit parce qu'ils sont fatigués, soit parce qu'ils craignent un mauvais coup. Mais il reste plusieurs rounds dans ce combat".

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